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jeudi, 28 juin 2018 16:00

Se réapproprier le corps

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edito688© Svensen/FotoliaQui n’a jamais vécu cette expérience troublante -décrite diversement par des existentialistes comme Sartre- d’apercevoir son reflet au détour d’une vitrine et de ne pas se reconnaître, l’image projetée ne correspondant pas à celle que nous nous faisons de nous-même, nous renvoyant à celle d’un corps réduit à l’état d’«objet»? Il nous faut alors nous «réidentifier» à notre propre enveloppe physique. Ce processus jalonne nos vies, avec ces étapes où le corps se transforme radicalement (vieillissement, régime drastique, grossesse, accident). Il est particulièrement aigu chez les adolescents. Rien d’étonnant à ce qu’ils jettent un œil à chaque miroir devant lequel ils passent, pour apprivoiser ce Moi corporel qui, hier encore, était celui d’un enfant, mais qui les projette aujourd’hui dans le monde des adultes.

Sans cette réappropriation de ce corps qui est nous, de ses contours, de ses possibles et limites, nous ne pouvons aller à la rencontre d’autrui (M. Glaisen, pp. 18-20). En 1999, le dominicain René Lumeau écrivait Jésus, l’homme qui évangélisa Dieu (Paris, Seuil), mettant en scène ce Christ si humain dévoilé au long des Évangiles, buvant, dormant, mêlant sa salive à la terre. Ce maître qui fit écrire à Jean: «Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux… nous l’annonçons» (1 Jn 1,1-3). Cette importance de l’enveloppe charnelle, lieu de la relation (Ch. Reynier, pp. 31-33), a amené Ignace de Loyola à inscrire les sens comme portes de la contemplation dans ses Exercices spirituels (N. Couchouron, pp. 34-37).

Bien d’autres traditions spirituelles et mouvements religieux contemporains insistent sur la nécessité de relier l’esprit et le corps. C’est que, dans notre société hautement technologique, nous avons tendance à oublier qu’ils ne font qu’un. La tentation posthumaniste, qui consiste à considérer le corps comme une machine améliorable ou exploitable, se répercute là où on ne l’imagine pas et exige vigilance et débats. Ce dualisme, qui marque la pensée occidentale, est abordé dans nos pages via des questions éthiques concrètes et complexes qui se posent à nous: dons d’organes (P. Verspieren sj, pp. 8-11), gestation pour autrui (L. Scaraffia, pp. 12-16), identité sexuelle (A. Bondolfi, pp. 5-7). Mais aussi via notre dossier Sport, comme lieu de vécu à la fois physique, mental et spirituel.

En effet, les grands événements sportifs, où se disputent enjeux politiques et économiques (J.-L. Chappelet, pp. 56-59), ne doivent pas occulter l’autre visage, plus discret, du sport. Espace d’apprentissage pédagogique unique et précieux, il aide bien des jeunes à se construire, partout dans le monde. À l’heure de la «grand-messe» de la Coupe du monde de football 2018, le Vatican a publié un document visant à redonner au sport ses lettres de noblesse (S. Pérez de Camino, pp. 43-45). Il en fait même un outil d’évangélisation, conférant aux entraîneurs un rôle particulier.

Découvrez ici le sommaire du n° 688 de l'été 2018 de choisir, et ses dossiers Corps et Sport.

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