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samedi, 06 décembre 2008 11:00

La force du désir

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L'automne est rude. La crise financière nous a entraînés dans une spirale dépressive, et pas seulement sur le plan économique. L'incertitude, la peur du lendemain ont frappé à la porte, avec leur cortège d'incompréhension, de colère, de révolte. Ce ne sont plus les habitants de la lointaine Afrique qui sont en danger, mais nous-mêmes. Il n'y a pas que la panique de lendemains moins riches et de peines matérielles qui assombrit l'horizon. Les valeurs auxquelles nos sociétés de culture chrétienne sont attachées ont été mises à mal. L'absence de scrupules qu'ont affichée les ténors de notre système financier, obnubilés par la recherche du surenchérissement, [1] a éclaté au grand jour, confirmant les prédictions de ceux qui tentaient de sonner l'alarme et de rappeler certaines réalités techniques ainsi que d'évidents principes éthiques. Les informations sur la chute dramatique de la Bourse et les débâcles des entreprises ont été assénées à longueur d'heures, de journées, se surajoutant au cortège classique de mauvaises et effarantes nouvelles dans lequel nous nous débattons. Comment, dans cette « pollution » planétaire, trouver encore le goût de bâtir, alors même que notre sentiment d'impuissance est si prononcé ? Comment désirer « avancer » quand la désillusion et le désenchantement sont de mise ?

Dans leur sagesse, les grands courants spirituels s'entendent pour nous rappeler une vérité sans âge : la peur n'est que projection mais elle a le pouvoir d'empoisonner notre présent. Jacques Brel le chantait mieux que quiconque : « Par-delà le concert / Des sanglots et des pleurs / Et des cris de colère / Des hommes qui ont peur / Plus fort que les enfants / Qui racontent les guerres / Et plus fort que les grands / Qui nous les ont fait faire / Il nous faut écouter / L'oiseau au fond des bois / Le murmure de l'été / Le sang qui monte en soi / Les berceuses des mères / Les prières des enfants / Et le bruit de la terre / Qui s'endort doucement. » Il nous faut écouter et regarder ceux qui, proches de nous, habitent notre univers d'humanité, offrent leur main et demandent la nôtre ; retrouver notre puissance créatrice là où elle peut se déployer, auprès de ceux qui composent « notre » famille : les parents, enfants, amis, collègues, la concierge et le voisin de palier.

Quel temps plus indiqué que celui de l'Avent, quelle nuit plus symbolique que celle de Noël ! Pris dans la tourmente de leur réalité historique, Marie et Joseph furent appelés à entreprendre un voyage dans des conditions difficiles. On imagine l'épuisement de cette jeune femme enceinte, ses inquiétudes quant à l'accouchement imminent. Et puis, il y a l'arrivée du fils ; les douleurs et les craintes s'envolent ; il ne reste que la joie du présent, la contemplation de l'enfant, le partage simple et profond du miracle de la vie avec des inconnus qui viennent dire leur adoration.

Nous ne sommes de loin pas tous des Marie et des Joseph ! La capacité à dire « oui » dans la confiance est bien souvent désertée par les épreuves. Elle ne coule pas de source, elle demande un vrai désir. Comment se donner à soi-même et aux autres quand le coeur est fermé par la peur ou la colère ? Il est urgent? de prendre le temps de se recentrer, non pas pour se recroqueviller dans un petit univers fermé et se détourner de l'horizon, mais pour retrouver, d'abord, le goût de « prendre soin »? de soi et des autres. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à nourrir notre âme avant de mettre notre intelligence au service de la société. [2]

Le Christ, en venant à nous volontairement, a indiqué la route. Il s'est impliqué dans la société. Et depuis 2000 ans, l'Eglise tente de le suivre, elle qui n'échappe pas aux tensions historiques et aux conflits intérieurs. Dès les premiers temps, elle s'est organisée en fonction du monde, tâtonnant, se cherchant, mais toujours avec la volonté de revenir à ce qui nourrit sa foi, la Parole. [3] Pour échapper à la spirale régressive, il faut, en premier, le désir de regarder vers la lumière.

1 - Voir l'article d'Etienne Perrot, aux pp. 24-27.

2 - Voir les articles d'Anne Durrer et de Valérie Bory, aux pp. 16-23.

3 - Voir les articles d'Attila Jakab et de Joseph Hug, aux pp. 9-15.

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