6h45: les ouvriers bottés et casqués sont prêts à commencer le boulot. On fait un tour du chantier, très impressionnant pour Mireille: des hommes avec une grande grue qui posent des tubes, le va-et-vient des camions qu’une pelleteuse charge (Mireille a aussi le droit de rester un moment dans la cabine de la pelleteuse), d’autres qui creusent une tranchée avec pelles et pioches, etc. J’en profite pour vérifier avec le contre-maître si les buts de la semaine passée ont été atteints et pour en fixer de nouveaux.
À la demande du contre-maître, j’interpelle deux ouvriers, un Serbe et un Kosovar (c’était alors la guerre aux Balkans) qui en étaient presque arrivés à se battre. Je leur explique en italien, lingua franca sur les chantiers, que nous sommes dans un pays démocratique où l’on respecte toute opinion. Mais que par contre s’ils insistent dans leur querelle, je les mettrai tous les deux à la porte. Je n’ai plus jamais eu de problèmes.
Entre temps, le responsable du projet arrive sur le chantier et on va boire un café ensemble (coca-cola pour Mireille), on discute certain détails du projet et je lui propose des changements.
Nous partons pour le deuxième chantier. On est en train d'y couler une dalle en béton: grue, bétonneuse, un tas d’ouvriers s’affairent… Ensuite nous gagnons le bureau, où un tas de paperasse m’attend. Je lis des lettres, vérifie des factures, dicte une lettre à ma secrétaire, la téléphoniste rappelle pour moi l’une ou l’autre personne. Entre temps, Mireille dessine avec des crayons sur des papiers que lui a procurés «la gentille fille aux cheveux roux».
C’est midi, nous allons déjeuner. Mireille s’endort presque sur son assiette, alors j’appelle sa mère pour qu’elle vienne la chercher.
Le soir, à table, Mireille pensive me pose cette question : «Mais toi Papa, qu’est-ce que tu fais?» Que répondre? Que mon bullshitjob est de faire travailler les autres?