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jeudi, 06 juin 2019 17:06

Une Église égalitaire et paritaire

Pub choisirLes théologiennes Monika Hungerbühler, de Bâle, et Jacqueline Keune, de Lucerne ont réagi en décembre 2018 à la démission de l’Église de six femmes de notre pays (2 théologiennes, 3 politiciennes et une engagée dans le développement au niveau national).

Bien avant que les femmes ne se soient détournées de l'Église catholique romaine, c’est cette dernière qui s’en est détournée. Et même si des femmes s'étaient exclues superficiellement de l'Église, elles étaient déjà fondamentalement exclues. Pendant des décennies, elles ont été solidaires d'une institution qui ne l’a jamais été avec elles. Nous comprenons bien qu'une période d’injustice puisse user les personnes et leur faire perdre tout espoir de changement. De même que nous n’acceptons pas les injustices dans le monde, autant nous refusons celles dans notre propre Église et nous nous tenons à l’exigence d’une égalité de droits –une attitude fraternelle dans la parité des personnes.

Les femmes écoutent – les hommes distribuent l’absolution.
Les femmes cuisent le pain – les hommes le consacrent.
Les femmes accompagnent les malades jusqu'au seuil de la mort – les hommes donnent le sacrement.
Les femmes cultivent la relation – les hommes se prononcent sur le partenariat et la famille.
Les femmes interprètent les Écritures le dimanche – les hommes définissent les textes.
Les femmes remplissent les bancs – les hommes prennent les décisions.
Les femmes sont co-signifiées – les hommes sont nommés.

Les «services» en grande partie aux femmes, les ministères aux hommes. Et plus on monte, plus le masculin domine. Et même s'il y a des femmes qui sont responsables de paroisses et des hommes qui nettoient les sols des églises, ce sont surtout les femmes qui servent, et surtout les hommes qui dirigent. Non pas parce qu'ils sont mieux formés, doués ou appelés, mais simplement parce qu'ils sont hommes. Ce n'est pas le mérite de l'un ou l'échec de l’autre qui fait la différence cruciale: le sexe.

Nous ne pouvons pas comprendre comment le pape François, qui s'est plaint dans Amoris laetitia des conditions misogynes dans le monde, soulignant l'égalité de la dignité des femmes et des hommes, puisse d’autre part avoir si peu de sens et de conscience quant à la dignité de la femme dans sa propre maison. Nous ne pouvons pas comprendre comment il peut nommer les violations des droits humains commises par d’autres tout en dissimulant les actes commis à la maison.

Non seulement le cléricalisme est un grand mal, mais aussi et surtout un aveuglement. Cette incapacité de l’Église institutionnelle de reconnaître ses structures malades et génératrices de maladie et de participer ainsi en même temps à un «ordre» du monde, celui où les Blancs, les riches, les hétérosexuels et les hommes sont encore considérés comme des personnes plus précieuses que celles de couleur, les pauvres, les homosexuelles et les femmes.

Car pour combien de temps l'Église institutionnelle pourra-t-elle avancer des vérités éternelles et –malgré les connaissances actuelles– s'accrocher au fait que Dieu veut que les femmes restent à bien des égards sans voix et invisibles? Pour combien de temps l’Église institutionnelle –malgré les connaissances actuelles– pourra-t-elle recourir «au Seigneur» pour justifier l'exclusion des femmes?

«L’Église, par fidélité à l’exemple de son Seigneur, ne se considère pas en droit d'admettre des femmes à la prêtrise», dit la Déclaration Inter insigniores. Depuis des décennies, nous demandons: par fidélité à l’exemple de «quel» Seigneur? Ce Seigneur qui, annoncé par la Ruah, possède la force spirituelle féminine de Dieu? Cet homme qui est né d'une femme? Cet homme qui ne pouvait supporter des femmes courbées? Cet homme à qui une femme –une incroyante, une Cananéenne– a enseigné sa foi et qui a accepté l'onction d'une autre? Cet homme qui a eu sa plus longue conversation avec une femme et qui a parlé de théologie auprès du puits? Ou cet homme qui, en tant que Ressuscité, n'a pas d'abord rencontré l'un des Douze, mais une femme? On peut le tourner et le retourner: au début de l’Église, disciples au féminin et apôtres au féminin, diaconesses, responsables de maison et de communautés pastorales. Et dès le début, reconnaissance et estime pour la responsabilité prise par les femmes et l’annonce faite par des femmes.

L’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une question de sympathie, de bienveillance masculine, de miséricorde papale, de concessions, de faveurs et de miséricorde, accordés l’une à l’autre, mais une question de justice -même divine. Et plus l'égalité est réalisée, plus la volonté de Dieu est réalisée. Une volonté qui a créé femme et homme à l'image de Dieu. Toute discrimination contre des personnes contredit cette volonté et ne devrait jamais faire partie de l'enseignement et de la pratique de l’Église. Une Église dans l'esprit de Jésus ne peut être qu'une communauté juste et solidaire.

De même que l'Église appelle les gens à la conversion depuis des siècles, nous appelons l'Église à se convertir, en bannissant toute dégradation des femmes, des hommes, au niveau de leur pensée, leur foi, leur parole, leur écriture et leur pratique.

Nous voulons une Église dont l’enseignement et les structures contribuent à un plus de liberté et de vie, dont les pratiques et la pensée ne blessent personne et dont la justice du droit de l’Église mérite ce nom. Nous voulons une Église où les femmes peuvent s’exprimer à tous les niveaux, une Église qui permet aux femmes de dialoguer, de participer et de décider à tous les niveaux, qui a le souci de valoriser les sentiments, les expériences et les compétences des femmes, qui se réfère à une riche tradition religieuse féminine, qui célèbre le divin à travers diverses images, qui reconsidère ses relations aux femmes et qui pratique une culture de l’écoute et du dialogue.

Et nous n’attendons pas seulement une conversion des relations des autres, mais également de nous-mêmes. La justice ne peut exister que si nous toutes et tous la comprenons comme un devoir et que nous la mettons en lumière dans nos propres lieux de vie et selon nos propres possibilités. Et nous nous souhaitons une conscience plus forte et plus efficace de notre liberté offerte par Dieu. «Vous, mes sœurs et frères, vous êtes appelés à la liberté» (Gal 5,13).

Le prix de la liberté est la responsabilité. Et la liberté, la liberté solidaire prend ses racines dans la justice, elle est le sens ultime de toute action, aussi de toute action d’Église.

(traduction: Mariette Mumenthaler et Claire Renggli)

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