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mercredi, 16 décembre 2020 10:14

Mgr Morerod veut moins de prêtres dans son diocèse

Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg © Jacques BersetMgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève, Fribourg (LGF), a des plans radicaux pour s’attaquer aux églises vides de son diocèse. De 345 actuellement, il veut réduire à 170 le nombre de prêtres du diocèse et diminuer la proportion des prêtres étrangers (la moitié de ses effectifs). La plupart du temps, on évoque une pénurie de prêtres en Suisse. De plus en plus de membres du clergé sont ainsi recrutés à l’étranger, ce qui ne va pas sans créer un certain nombre de problèmes. L'évêque, pour qui au contraire il n’y a pas pénurie mais pléthore de prêtres dans son diocèse, veut renverser la vapeur. Il s'en est expliqué à cath.ch.

«Rien qu’à Fribourg, une petite ville de 38’000 habitants, il y a 40 messes catholiques par dimanche. Cela dépasse de loin la demande», dit-il. Pour ramener son Église dans les chiffres noirs, Mgr Morerod émet une proposition radicale: il veut réduire de moitié le nombre de prêtres dans son diocèse, convaincu qu'il est que c’est la seule façon de ramener l’offre et la demande au même niveau.

La situation actuelle est souvent déprimante, en particulier dans les campagnes, explique l'évêque. «Le prêtre est confronté à une douzaine de fidèles qui suivent le service en silence depuis les rangs les plus éloignés.» Le fait que les Églises nationales perdent des membres est suffisamment décrit: selon l’Office fédéral de la statistique, la proportion de catholiques dans la population résidente suisse est passée de 43 à 35% entre 1910 et 2018. Grâce à l’immigration, notamment en provenance du sud de l’Europe, l’Église catholique est en meilleure position que son Église sœur. Les réformés ne représentent plus que 23% de la population totale, contre 56% en 1910, mais la tendance est à la baisse, même chez les catholiques.

La nouveauté, c’est qu’un évêque décrit cette réalité sans ménagement et se dit prêt à en tirer les conséquences. Et la crise sanitaire liée au coronavirus a renforcé la détermination de Charles Morerod: «Les croyants âgés en particulier ne retourneront pas aussi rapidement dans les églises par crainte du virus», estime-t-il. Que faire en ce cas? L’évêque en est convaincu, moins de prêtres signifie plus de fidèles par service. Mais son plan sert un autre objectif: réduire le nombre de prêtres étrangers. «Je ne suis pas xénophobe», prévient-il. Une Église dans laquelle la majorité des fidèles sont issus de l’immigration a besoin d’un clergé multiculturel. Toutefois, avec 50% de prêtres étrangers dans le diocèse, une limite a été atteinte, explique Mgr Morerod: «Les différences s’accumulent.»

Une culture égalitaire pas toujours comprise

Selon lui, certains prêtres de pays africains ou de Pologne, par exemple, ne sont pas habitués à ce qu’un ecclésiastique soit contredit dans ce pays. «Cette culture égalitaire de la conversation leur est étrangère», explique-t-il. La question de l’égalité conduit aussi parfois à des tensions, précise-t-il. Charles Morerod raconte un incident survenu il y a quelques années dans le canton de Genève: dans une paroisse, un poste pastoral devait être pourvu. Il avait plaidé pour la nomination d’une femme, car les femmes étaient sous-représentées dans cette paroisse. En réponse, le prêtre, qui venait d’un pays africain, a déclaré que les femmes avaient de nombreuses qualités, mais qu’il ne fallait pas leur faire confiance pour cette fonction. Enfin et surtout, il y a parfois des barrières linguistiques, poursuit Mgr Morerod. Lorsque les prêtres vietnamiens parlent français, par exemple, tous les fidèles ne comprennent pas le sermon.

L'évêque évoque encore les mise en garde du Vatican contre la tendance à collaborer à une sorte de «fuite des cerveaux», à savoir appauvrir des diocèses de leurs ressources humaines. Le fait qu’on pense pouvoir simplement importer des prêtres quand on a besoin atténue la motivation de nos communautés à susciter des vocations.

Cette question de l'intégration de prêtres étrangers en Suisse, de la problématique de la fuite des cerveaux, a été abordée dans le dossier de choisir n°693, Les passeurs de la foi. Lucienne Bittar a interrogé à ce propos deux missionnaires, le Lucernois Martin Brunner-Artho, directeur de Missio, et le bibliste Comé Traoré, prêtre à la basilique Notre-Dame de Genève. Dans Une route, de multiples croisements, ils témoignent de leur expériences.

Charles Morerod n’est pas le premier à lancer des plans de réforme. En 2011, le vicaire général du diocèse de Coire a exprimé des idées similaires dans une interview au quotidien alémanique Sonntagszeitung: «Nous sommes devenus plus petits et nous avons besoin de structures reflétant mieux notre taille réelle», avait déclaré à l’époque Martin Grichting. Il avait plaidé pour des locaux plus grands pour le ministère pastoral, qui seraient pris en charge par un curé de paroisse –un projet jusqu’à présent contrecarré par les Églises cantonales, précise le diocèse suite à la requête du quotidien alémanique.

Plus de mobilité demandé aux fidèles

Malgré les tentatives infructueuses à Coire, Morerod croit en son plan: le nombre de messes doit continuer à diminuer, même si cela prend du temps. Cela suppose une certaine mobilité des fidèles, qui est déjà présente chez les jeunes catholiques, mais cela en vaut la peine: «En retour, les services seront plus vivants.»

La question reste de savoir ce qu’il adviendra des églises qui ne sont utilisées que sporadiquement. Tant que cela est financièrement viable, aucune fermeture n’est prévue, dit Charles Morerod. Mais cela ne peut être exclu. À Neuchâtel par exemple, l’Église réformée a dû vendre ses premiers bâtiments. «Nous observons cette évolution et nous devrons peut-être un jour suivre le mouvement.»

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