Les femmes réussissent toujours un peu plus à obtenir des rôles de responsabilité dans tous les domaines de la société, que ce soit dans les entreprises ou en politique. L’élection de Kamala Harris comme vice-présidente aux États-Unis ou de Ursula Von der Leyen à la tête de la Communauté européenne confirme cette tendance positive, ascendante, surtout dans les démocraties occidentales. On ne peut pas en dire autant sur le plan religieux.
Voir notre dossier Église, nom féminin, publié in choisir n° 689.
Face à ces changements rapides dans la société occidentale, la question du rôle et de la place de la femme dans l’Église catholique est devenue incontournable et urgente. Le pape François en est bien conscient. Il a plusieurs fois insisté sur la nécessité de donner davantage de place aux femmes et a envoyé des signes pointant dans cette direction. La grandeur de l’enjeu impose plusieurs considérations et clarifications.
L’Église n’est pas une société civile
L'appréciation du rôle des femmes à l’intérieur de l’Église ne peut s’appuyer sur les critères qui règlent les sociétés civiles mais doit se trouver dans l’Évangile, dans la Tradition, dans le témoignage et l’expérience chrétienne. Il est également essentiel de comprendre quel regard Jésus-Christ portait sur les femmes. De plus le langage théologique est différent de celui de la société civile.
La racine de la vocation-mission de la femme doit être recherché dans le baptême et la confirmation
L’homme et la femme sont égaux dans l’Église par leur baptême: un peuple uni dans le Christ, «un Seigneur, une foi, un baptême» (Ep 4,5). Chaque personne, homme ou femme, appelée par Dieu reçoit une vocation. Les sacrements du baptême et de la confirmation confèrent à toute personne baptisée une mission d’apostolat dans le monde. «Cependant comme tous les membres du corps humain, malgré leur multiplicité, ne forment qu’un seul corps» (1 Co 12,12), ainsi, «dans l’édification du Corps du Christ, règne également une diversité de membres et de fonctions» (Lumen gentium 7)
La question de la place des femmes dans l’Église ne peut pas être réduite à l’ordination de femmes prêtres
Le sacerdoce est un service que les hommes assurent dans l’Église catholique. Il ne s’agit donc pas d’un droit à conquérir. Beaucoup de laïques se demandent alors comment servir au mieux Dieu et son Église, et explorent de nouvelles routes pour participer davantage à la plénitude de l’amour de Dieu. L’Évangile nous donne une clé de compréhension sur la place des femmes dans l’Église, à travers l’exemple de Marie, bien évidemment, mais aussi de bien d’autres saintes qui, par leur engagement et leur service, ont marqué pour toujours l’Église. Parmi elles, Marie-Madeleine, cette femme forte et déterminée, Apostola apostolorum dans la tradition chrétienne, que le Christ a envoyée pour parler aux disciples au matin de la Résurrection. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le pape François a élevé la mémoire liturgique de Marie-Madeleine au rang de «fête», degré de célébration liturgique réservé normalement aux apôtres.
«Il faut élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église.» (Pape François, exhortation apostolique Evangelii gaudium n° 103)
Pendant son pontificat, le pape François a répété en de multiples occasions la nécessité d’intégrer davantage les femmes dans les processus décisionnels de l’Église. Il a même déclaré le 12 mai 2016, lors d’un entretien avec l’Union internationale des supérieures générales, que le rôle de la femme dans l’Église est un droit en tant que baptisée, avec les charismes et les dons que l’Esprit leur a donné. Le pape a concrétisé cette intention par des décisions qui ouvrent de nouvelles routes aux femmes. En instituant le nouveau Dicastère pour les laïques, la famille et la vie, en septembre 2016, il a imposé dans les statuts la possibilité pour une personne laïque, donc homme ou femme, de devenir secrétaire du Préfet. Plus récemment en 2020, le Saint Père a institué la deuxième commission pour l’étude du diaconat féminin. En janvier 2021, Francesca Di Giovanni, une laïque, a été désignée par le Vatican vice-ministre à la Secrétairerie d’État, un poste à haute responsabilité attribué d’ordinaire aux hommes. Et le pape a nommé, en février 2021, Sœur Nathalie Becquart comme sous-secrétaire du Synode avec droit de vote.
L’Église traverse un fleuve agité... Elle doit continuer d’avancer avec courage pour arriver sur l’autre rive
Malgré ces efforts du pape pour élargir dans l'Église les espaces pour les femmes, et bien que des progrès visibles aient été accomplis, force est de constater qu’il existe encore beaucoup de résistances latentes, qui entraînent une certaine stagnation du processus. Par conséquent des personnes souffrent, et si une partie du corps souffre, le Corps entier de l’Église souffre, même dans l’accomplissement de sa mission. Espérons que la réforme de la curie romaine apporte une sorte de modèle de renouveau pour l’Église universelle, en prenant également en considération la vocation et la mission des femmes. Le pape François reconnaît la souffrance des femmes dans l’Église. Prions pour lui pour qu’il puisse continuer avec courage le processus d’ouverture qu’il a engagé pour les femmes.
Le Motu proprio du pape François Antiquum Ministerium instituant le ministère de catéchiste, publié le 11 mai 2021, est un autre acte d'importance qui aura des retombées certaines sur la façon de comprendre le ministériat dans l'Église, l'annonce de la foi, et donc aussi le rôle des femmes. Voir à ce sujet l'article de Philippe Becquart, Une révolution de velours.