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jeudi, 05 avril 2012 14:00

Ethnocratique Israël

sans couverture 1Ilan Pappé, The Forgotten Palestinians. A History of the Palestinians in Israel, New Haven/London, Yale University Press 2011, 336 p.

Dans l'ouvrage qu'il vient de publier, Ilan Pappé affirme qu'Israël pratique systématiquement, dans tout le pays, une politique de discrimination anti-palestinienne semblable à l'apartheid. Que ce soit à Nazareth, dans le Grand Jérusalem ou le Néguev, cette méthode d'exclusion et d'appauvrissement des Palestiniens complète l'épuration ethnique de 1947-1949.[1]

L'auteur met en relief combien le sionisme appliqué par Israël méprise ceux qui habitent le pays depuis des siècles. Ils sont traités par les Israéliens - y compris par des ministres du gouvernement actuel - d'immigrants, de cinquième colonne, d'ennemis intérieurs, d'étrangers indésirables et hostiles qui n'ont rien à faire là...

La thèse centrale développée dans le livre de ce brillant historien israélien et juif, c'est que l'Etat sioniste n'a jamais cherché à appliquer les principes d'un Etat de droit pour tous ses citoyens, malgré l'affirmation de certains de ses fondateurs, venus pour « construire un Etat national libéral-démocratique sur le modèle européen de l'Ouest ». Car la purification ethnique est au coeur du projet colonialiste juif depuis le premier congrès sioniste (Bâle, 1897). Les ordres émanant du Haut commandement militaire de la Haganah parlaient de « nettoyage » et ordonnaient aux troupes (dont la moitié avaient été formées par les Britanniques) d'« occuper, détruire et expulser ». La propagande officielle mentionnait une « guerre tragique mais inévitable », dont la conséquence a été l'expulsion d'une « partie de la population » indigène... En secret, on appelait cela la « désarabisation » du pays. Les gouvernements qui se sont succédé depuis ont appliqué ce plan, prévoyant l'expulsion ou la soumission par la force d'une population réduite au rang de parias.

Aujourd'hui, le mythe de « la seule démocratie au Moyen-Orient » est en train de s'écrouler. L'Etat ethnique offre tout à sa population israélienne - dès le premier jour pour les immigrés - et se montre oppressif pour sa minorité nationale ségréguée. Seule la moitié de la population est au bénéfice de droits et pratiques démocratiques.[2] Au lieu de brandir la « menace démographique » que les Arabes représenteraient selon ce critère raciste, la majorité israélienne aurait avantage à revenir de sa pratique « ethnocratique » et à viser un rapprochement, une collaboration étroite avec le peuple palestinien.

Comme l'écrit Ilan Pappé, en conclusion de son ouvrage post-sioniste, c'est un anachronisme de croire qu'il est « possible de créer un espace exclusivement juif au milieu du monde arabe ».

 

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