Virgile Rochat, Le Temps presse. Réflexions pour sortir les Eglises de la crise, Genève, Labor et Fides 2012, 200 p.
On est frappé par l’honnêteté du constat. Virgile Rochat, pasteur de l’Eglise réformée et aumônier d’étudiants pendant vingt ans, dresse le bilan des Eglises réformées historiques : c’est un effondrement. Ne nous attardons pas dans les décombres et attachons-nous aux pistes que Virgile Rochat propose pour vivre et faire vivre.
Le message s’adresse à tous les christianismes, si l’on excepte les intégrismes de tout poil qui prospèrent toujours en temps de crise. Il définit les Eglises historiques comme des « services publics » qui, loin des positions magistrales ou normatives, seraient ouverts à tous et à tout moment (service d’accueil, d’écoute, de recueillement), en accord avec l’idée chrétienne de kénose : qui veut être premier, qu’il se dépouille et se fasse serviteur.
Ces Eglises disposent, pour se renouveler, de plusieurs voies théologiques et spirituelles. La tradition est riche de pistes peu ou pas assez explorées. La notion de Création, conférant un caractère saint et sacré à la nature, peut, par exemple, constituer une base théologique pour l’écologisme chrétien. Ou face aux idoles financières ou technologico-scientifiques qui menacent les plus fragiles, l’Incarnation est une notion qui fournit « le modèle, le courage, et la force de se battre ». L’auteur met aussi en valeur une « approche paradoxale des vérités » constitutive des Evangiles. On le sait trop peu parce que c’est irrecevable et provocateur face à notre exigence de certitude rationnelle, mais l’Evangile n’est pas un système ; il lui arrive d’énoncer des vérités contraires. Quoi de plus impensable qu’« aimer son ennemi » ? Et comment Jésus peut-il dire que « celui qui n’est pas
contre lui est pour lui », puis que « celui qui n’est pas avec lui est contre lui » ? On ne trouve pas là des lois universelles, mais une sagesse qui s’adapte à la personne et à la situation concrète.
Le pasteur donne aussi des pistes spirituelles. Il prend acte de l’appétence spirituelle de ses contemporains. Le succès d’Annick de Souzenelle, Frédéric Lenoir ou Simone Pacot en atteste. L’auteur soutient l’idée d’une méditation chrétienne et incite à réactiver les enseignements des maîtres dont notre tradition est pleine : Eckhart, Jean de la Croix, Ignace de Loyola…
Enfin, il propose de réhabiliter la religion, notion plus tabou que le spirituel, en lui reconnaissant la mission de gérer « le sacré endémique », une dimension qui existe dans toutes les sociétés humaines. Pour assumer ce rôle de la religion, accompagner le vécu du sacré, l’auteur donne des pistes concrètes, comme ont su le faire les initiateurs de Taizé.
Virgile Rochat propose dans ce livre un vocabulaire d’aujourd’hui, intellectuel et spirituel, qui parle à notre temps et permet une transmission et une fécondité.