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lundi, 06 mai 2013 02:00

Ermites du Milieu du Monde

Santschi 44268Catherine Santschi, Les ermites du milieu du monde. Le désert en Suisse romande, en Savoie et en Bresse et en Bugey, Genève, Slatkine 2012, 320 p.

Une source qui jaillit dans la région de Pompaples alimente des eaux qui rejoignent les unes le Rhin, via l’Aar, les autres le Rhône, via la Venoge, d’où cette notion de Milieu du Monde constituant le champ d’exploration de l’auteure. Celle-ci a consulté toutes les archives susceptibles de renseigner sur le phénomène de l’érémitisme, des archives plus ou moins riches selon les régions et selon l’intérêt que portaient au sujet les archivistes qui les conservèrent.

L’érémitisme est apparu dès l’Antiquité tardive avec les Pères du désert. Il avait pour modèle Jean-Baptiste, censé porter un vêtement en poil de chameau à la rugosité mortifiante. Au Moyen Age, certains ermites l’imitaient, comme en témoigne la lettre de remerciement de Sulpice Sévère à un ami qui lui avait procuré des palliums tissés en poil de chameau.

L’auteure nous entraîne à la découverte des endroits où s’établissaient, parfois en communauté, ces solitaires désireux de fuir le monde. Isolés sinon désertiques, ces lieux se situent sur des flancs de montagnes et parfois dans des grottes, comme à Longeborne en Valais ou au Salève près de Genève. Mais aussi au château de Ripaille où, en 1434, avant d’être élu pape, Amédée VIII de Savoie « alla au désert » avec les chevaliers de l’ordre qu’il avait fondé.

Moins prestigieux et plus proches du peuple qui les nourrissait, reclus et recluses pratiquaient une forme extrême de l’érémitisme, en vivant emmurés dans une cellule percée de deux petites fenêtres, l’une donnant dans l’église pour suivre les offices, l’autre ouvrant sur l’extérieur. Genève eut elle aussi ses ermites et même une recluse près de la porte de Saint-Léger, où « elle faisait pénitence pour tous les péchés des chanoines ».

La Réforme eut raison de l’érémitisme sur les terres où elle s’était implantée, mais aux portes de Genève, la contre-réforme, sous l’impulsion de François de Sales, redonna vie à l’ermitage des Voirons, pointé comme un fer de lance en direction de la Rome protestante.

Au terme de ce minutieux inventaire, on apprend avec étonnement qu’au XXe siècle encore, il y eut çà et là quelques ermites, notamment à Longeborne où le Père Delogne laissa un lumineux souvenir. Et que dans les années 90, Nicolas Buttet, un jeune homme à la carrière prometteuse, y renonça pour se retirer à Notre-Dame du Scex, en Valais, où il réunit de jeunes « paumés », avec qui il fonda une fraternité qui compte aujourd’hui quatre maisons, dont la première est celle d’Epinassey, près de Saint-Maurice.

 

 

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