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mercredi, 27 mars 2013 14:29

Bible : analyse narrative

Marguerat 44042

Daniel Marguerat, André Wénin, Saveurs du récit biblique. Un nouveau guide pour des textes millénaires, Montrouge/Paris, Bayard/Labor et Fides 2012, 360 p.

Raconter vient de la nuit des temps, mais l’approche scientifique d’une narration est un phénomène récent qui plonge dans le monde que le texte déploie devant le lecteur et qui suscite chez celui-ci un déplacement. C’est seulement depuis 1970 que certains exégètes s’intéressent au travail de la lecture et non plus uniquement à celui de l’écriture. Ils ont développé ce qu’on appelle l’analyse narrative ou la narratologie.

Si, en schématisant, on peut dire que la lecture historico-critique d’un texte s’intéresse au quoi, c’est-à-dire au contenu-même du texte et à ses différentes couches, et que l’analyse structurale ou sémiotique s’attache à poser la question du comment, donc à chercher des réponses dans le vocabulaire et l’organisation du texte lui-même, on pourrait dire que la narratologie s’attache au pour quoi, en vue de quoi.

D’une autre façon, on peut dire que l’exégèse historico-critique fait une lecture avec une perspective diachronique, l’analyse structurale avec une lecture synchronique (lecture du texte dans son état final) et l’analyse narrative avec une lecture pragmatique, car elle étudie le devenir du texte. Mais les auteurs nous invitent à ne pas opposer ces méthodes car en dernier ressort elles doivent s’articuler.

La narratologie observe « comment le narrateur met en récit l’histoire racontée à l’intention de ses lecteurs », elle s’intéresse donc principalement aux effets du récit sur le lecteur.

Le récit a été dans la Bible le moyen par excellence de dire Dieu. Si les juifs et les chrétiens ont raconté des histoires et les racontent encore, c’est parce qu’ils croient en un Dieu qui s’est révélé et se révèle toujours et encore dans l’Histoire. Et ils ont utilisé un véhicule littéraire pour dire un message de salut. Utiliser l’outil de l’analyse narrative à propos des récits bibliques, c’est observer la stratégie de communication qui permet à l’auteur de « programmer » la lecture de ses lecteurs.

Cet ouvrage de Daniel Marguerat et d’André Wénin déplace notre attention de l’auteur au lecteur et nous ouvre à un questionnement original quant au type de lecteur généré par un type de récit. Au fil des chapitres, les théologiens se posent plusieurs questions : quelle figure de lecteur chaque Evangile vise-t-il à construire ? quel jeu se noue-t-il entre le narrateur et le lecteur ? Ils éclairent l’usage d’outils particuliers dans la stratégie de communication des narrateurs, comme la temporalité, la répétition, les différents points de vue, la mise en scène et l’ironie dramatique. Ils analysent aussi des procédés littéraires globaux : le discours, le récit, la vérité et la fiction, l’intertextualité et l’élaboration de sens.

L’ouvrage, qui étudie une dizaine de récits bibliques, contient différents articles, compte-rendu de colloques ou chapitres d’autres publications.

 

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