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jeudi, 30 mai 2013 09:17

Une démocratie trop crédule

sans couverture 1Gérald Bronner, La démocratie des crédules, Paris, PUF 2013, 344 p.

Les exemples sont multiples d’affirmations ou de théories saluées par un grand retentissement médiatique, alors qu’elles ne résistent pas plus à la critique scientifique qu’au démontage des mécanismes mentaux qui les construisent. Mais il est alors souvent trop tard. La croyance s’est si solidement installée dans l’opinion que l’on se fait des choses, qu’elle résiste aux arguments fondés sur la connaissance la mieux établie. C’est le phénomène que dénonce

le sociologue français Gérald Bronner.

L’auteur cite le cas du vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole), qu’une étude trompeuse de la fin des années 1990, portant sur douze cas seulement, mit en relation avec diverses pathologies, dont l’autisme. Le Medical Council britannique la condamna. Il reste que la couverture vaccinale chuta et que les cas de rougeole subirent une notable recrudescence.

De la même eau, et toujours selon Bronner, la dangerosité de la molécule de l’aspartame ou des OGM, les méfaits des lignes à haute tension et des antennes de téléphone mobile, les leucémies infantiles provoquées par la proximité de centrales nucléaires. « L’inquiétude, écrit l’auteur, est un excellent produit médiatique. »

La crédulité est un effet pervers de l’intelligence humaine. Celle-ci retient spontanément les informations qui renforcent son inclination première (le «biais de confirmation ») et tend à négliger les faits qui la contrarient. Elle est rétive au hasard, quand elle considère la « loi des séries » comme une anomalie significative : plusieurs accidents d’avions qui surviennent le même mois, par exemple, plutôt que de se trouver répartis

tout au long de l’année. Lorsqu’il s’agit d’interpréter des statistiques, elle peine à intégrer la donnée décisive de la taille de l’échantillon. Elle est vulnérable à

« l’effet Fort », du nom de l’écrivain américain, apôtre du paranormal, Charles Fort (1874-1932), qui consiste à accumuler en faveur d’une thèse, à la façon d’un millefeuille, des arguments disparates, sans autre relation les uns avec les autres que de construire ou de renforcer une conviction. Pratique ordinaire des théoriciens du complot.

Plus que jamais, par les effets accélérateurs et multiplicateurs de l’Internet, nous nous trouvons cernés par des propositions de sens. Les avis hétérodoxes, les hypothèses douteuses se bousculent sur le Web, alors que les scientifiques considèrent souvent qu’ils n’ont pas le temps de disputer sur chaque sujet de controverse. Du fait de leur masse, ces avis et hypothèses se trouvent ainsi privilégiés par les moteurs de recherche, ce qui accroît leurs chances d’influencer les esprits.

Comment se garder des travers qu’encourage la mutualisation des discours, des plus réfléchis aux plus farfelus ? La responsabilité des journalistes et des médias est ici directement engagée.

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