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vendredi, 17 mars 2017 11:33

Genève, l'esprit solidaire

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C’est sur les traces de l’aventure solidaire Nord-Sud de tout un canton que nous entraîne le livre publié par la Fédération genevoise de coopération (FGC) à l’occasion des 50 ans de sa création, en 1966. Car ils sont nombreux ceux qui, au cours du demi-siècle écoulé, ont été impliqués dans «la facette altruiste» de Genève, que ce soit en tant qu’acteurs de la FGC elle-même, de l’une de ses 60 ONG membres ou d’une autorité publique donatrice.

FGC

 

Genève, l’esprit solidaire. 1966-2016
La Fédération genevoise de coopération,
2000 projets à visage humain
Genève, Slatkine 2017, 168 p.

À la fin des années 50, la «coopération au développement» est encore à inventer. L’expression reste étrangère pour la plupart des gens. Car le «tiers-monde», issu de la décolonisation, n'a rejoint la scène internationale que depuis peu. En 1961, l’ONU proclame la première «Décennie des Nations Unies pour le développement» et la Suisse se donne un cadre fédéral pour intervenir dans la coopération. Genève assiste depuis les premières loges à cette évolution, et décide de rejoindre les acteurs en créant, la même année, le Centre genevois pour la formation de cadres africains (le futur Institut universitaire d’études du développement : IUED).
Un groupe de seize ami(e)s passionnément impliqués dans des ONG prennent l’habitude de se rencontrer au Café du Boulevard. De leurs discussions émergent un projet: réunir leurs forces pour mieux informer les élus et la population genevoise des enjeux du développement et pour chercher des fonds pour leurs programmes au Sud. Leur préoccupation rejoint celle des autorités publiques: trouver un partenaire fiable et gagner ainsi du temps. La Ville de Genève devient en 1967 le premier bailleur de fonds de la FGC.

«Le monde de la coopération était alors influencé par la théologie de la libération pour les uns, le rapport Mal-développement Suisse-Monde (CETIM, 1975) pour les autres», se souvient Jean-Pierre Gonthard, ancien directeur adjoint de l’IUED et président de la FGC de 1990 à 2002. «Nous avions la conviction que nous pouvions prêcher par l’exemple.» S’il est difficile aujourd’hui de concevoir en Suisse un projet de développement sans partenaire fiable sur le terrain ou sans renforcement de l’autonomie des populations locales, ces notions sont encore neuves dans les années 1970 et la FGC fait figure de pionnière. «Cette approche centrée sur les populations concernées n’a été prônée au niveau international qu’à partir des années 1990, suite au sommet de Rio», peut-on lire dans cet ouvrage.
Depuis, le partenariat entre la FGC, le canton et les communes n’a cessé de s’affermir. Ce sont plus de 2000 projets qui ont ainsi été financés et menés à bien lors de ces 50 années, dans des pays et des secteurs très divers: éducation et emploi, santé, développement rural, développement urbain, environnement, culture, renforcement de la société civile. Cet ouvrage permet d’en découvrir quelques-uns et l’esprit que les anime. (Voir aussi notre article Genève solidaire ?)

La FGC met aussi l’accent sur l’information et la sensibilisation en Suisse (d’où ce livre), invitant le public au débat, à la réflexion et à l’action. Elle a soutenu 425 projets allant dans ce sens, pour un montant de six millions de francs, tels que la création du jeu Tiers-Mondopoly de la Déclaration de Berne ou du Festival Filmar en America Latina, ou des voyages sur le terrain au Burkina Faso et au Sénégal pour les élus genevois.

Cet ouvrage, aéré, bien construit, rappelle l’histoire de la FGC et de quelques moments forts traversés, photos et témoignages à l’appui, mais ouvre aussi les perspectives. Si aujourd’hui le contexte est difficile -«Les pays industrialisés, qui s’ouvraient au monde dans les années 1960, sont en train de se replier sur eux-mêmes en raison de la crise économique, d’inégalités croissantes, ainsi que de craintes liées aux migrations et au terrorisme»- l’esprit militant, idéaliste et novateur des début du mouvement demeure. La Fédération affirme son désir de s’adapter aux nouveaux défis, comme ceux du changement climatique ou des migrations, sans brader la qualité de ses programmes de coopération.

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