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jeudi, 06 avril 2006 02:00

Les 500 ans de la Garde suisse

walpen40125gardeWalpen Robert, La Garde suisse pontificale. Courage et fidélité, Slatkine, Genève 2005, 272 p.

L'idée de ce magnifique ouvrage sur la Guardia Svizzera Pontificia (GSP) vient du colonel Pius Segmüller, ancien commandant de la Garde, instructeur de l'armée suisse, actif dans l'humanitaire. Il en a demandé la rédaction à un colonel professeur. Histoire, formation, devoirs et quotidien de la Garde forment la trame de ce livre. Durant des siècles, des mercenaires suisses redoutés, ne « connaissant aucun adversaire à leur mesure », pillant, tuant des civils ou s'entre-tuant par milliers dans des armées opposées, ont servi hors de nos frontières, source de richesses pour la pauvre Suisse. Une réputation qui mena en 1506 le papa terribile Jules II à solliciter des Confédérés de l'Alémanie supérieure le droit d'enrôler de jeunes Suisses pour devenir les gardes du corps du Vicaire du Christ.[1]

Les débuts de la GSP sont donc liés à la personnalité de Jules II, un pape qui connaissait aussi bien les mercenaires suisses que leur pays, puisque son oncle l'avait nommé évêque de Lausanne en 1473, et qui n'avait pas totalement confiance dans les Espagnols trop proches des Borgia, pas plus qu'en ses compatriotes trop égoïstes ou en la noblesse romaine. Ses bonnes relations avec la Suisse le poussèrent à appeler Peter von Hertenstein, archidiacre de la cathédrale de Sion, pour qu'il transmette à la Diète fédérale son souhait d'engager une garde personnelle de « 200 hommes » (100 de plus que le roi de France !). Ces gardes partiront chez le pape, traversant le Gotthard à pied, en plein hiver, recevant une solde grâce aux prêts du banquier Fugger. Kaspar von Silenen, un soldat uranais, fut le premier capitaine de la Garde. La mort de Jules II provoqua des désordres, comme souvent lors des fins de règne ; les gardes suisses tuèrent deux personnes.

La première décision de son successeur Léon X fut cependant de confirmer l'engagement des gardes helvétiques. Ces gardes, « honneurs de toute leur nation », se sacrifièrent le 6 mai 1527 pour protéger Clément VII, le pape suivant, lors du terrible Sac de Rome : 147 d'entre eux moururent et les 42 survivants se réfugièrent au château St-Ange (ce 6 mai est devenu la journée commémorative de la Garde qui faillit disparaître). En 1798, les Français entrèrent à Rome et ordonnèrent la destitution du pape. Ils désarmèrent tous les gardes pontificaux qui retournèrent alors en Suisse. Deux ans plus tard, les gardes reprirent du service, mais dans un contexte précaire. Les choses s'arrangèrent avec les défaites de Napoléon. Le Risorgimento, l'unification italienne, vit le maintien de la Garde avec le retour du pape à Rome, en 1850. Mais les troupes italiennes marchèrent sur Rome en 1870, signant le déclin de l'Etat pontifical et de la souveraineté papale, maintenue pendant plus de mille ans. Les Accords du Latran de 1929 établiront définitivement l'autorité pontificale sur un territoire minuscule, le Stato della Città del Vaticano. Une nouvelle loi fondamentale de l'Etat de la Cité du Vatican les a remplacés en 2001.

Ce livre montre encore le rôle intéressant joué par Huldrych Zwingli dans l'histoire de la papauté et des gardes suisses. Curé à Glaris, il accompagna par deux fois les troupes glaronaises en Italie. Plus tard, il se rapprocha des vues d'Erasme de Rotterdam sur la Réforme du christianisme. Il resta néanmoins l'avocat des relations étroites avec la papauté et un partisan du recrutement de mercenaires pour le Saint-Siège. Ce n'est que plus tard qu'il admettra les vues de Luther et commencera à combattre le service mercenaire.

Histoire moderne

Parmi les faits plus récents, on peut relever le concile Vatican II : 1962 fut une année chargée pour les gardes en raison des contrôles multipliés aux entrées. Elle marque aussi leur première sortie officielle hors du Vatican pour accompagner le pape à Assise. L'année 1970 revêt une autre importance encore pour la GSP : le 14 septembre, le Service d'information du Vatican annonce la dissolution de trois Corpi militari Pontifici, la Garde noble, la Garde d'honneur du palais et la Gendarmerie : « Nous vous annonçons? qu'après mûre réflexion et à notre vif regret, il nous a paru nécessaire de dissoudre les formations pontificales, à l'exception de la très ancienne Garde suisse (ad eccezione dell'antichissima Guardia Svizzera) qui continuera à assurer le service d'ordre et de garde?. » Paul VI aurait dit : « Ma almeno mi laciate i Svizzeri » (Laissez-moi au moins les Suisses !). Ce qui dans la presse avait donné des titres comme Désarmement au Vatican ou Les divisions du pape sont dissoutes. L'affaire Cédric Tornay n'est pas escamotée dans ce livre, qui ne fait cependant état que de la version officielle qui laisse des doutes. Une large part est encore accordée aux traditions et au quotidien actuel des gardes : uniformes, armement moderne, équipements, formations, motivations, déplacements officiels, drapeaux, armoiries, quartier, églises et cimetière de la garde. Même sans les avant-propos du pape actuel, du conseiller fédéral Schmid et d'un commandant de corps (dont le texte est superflu), ce bel ouvrage à l'iconographie remarquable sortirait du lot.

 

1 - Le canton du Valais et le conseiller fédéral Pascal Couchepin ont rendu hommage le 11 mars à la Garde suisse pontificale pour ses 500 ans. Les festivités se sont déroulées à la cathédrale de Sion, puis dans la ville de Naters d'où proviennent la majorité des gardes valaisans. Avec 693 hommes sur les 3767 qui ont rejoint le corps d'armée du Vatican ces 180 dernières années, le Valais est le canton suisse le plus représenté à la Garde suisse. (n.d.l.r.) Concernant l'affaire Tornay, on peut lire encore le livre de l'ancien garde suisse Stéphane Sapin, Garde suisse au Vatican : ombre et lumière, Cabédita, Yens sur Morges 2004, 96 p. (n.d.l.r.)

 

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