Christian Duquoc, Dieu partagé. Le doute et l'histoire, Cerf, Paris 2006, 320 p.
La première partie du livre - l'alliance conflictuelle - passe en revue les figures les plus marquantes du premier Testament, pour conclure que les promesses faites à Moïse, David et aux prophètes ne se sont pas réalisées. Le peuple s'est souvent révolté, empêchant par ses infidélités la réalisation espérée. Dieu est affecté par l'ingratitude du peuple, mais il ne rompt pas l'alliance. Il reste un Dieu patient souffrant des infidélités d'Israël, comme un époux peut souffrir des infidélités de l'épouse.
L'homme, animal religieux, a toujours été en quête du divin. Cette quête a pris des formes variant à l'infini. Christian Duquoc évoque dans cette deuxième partie diverses approches du divin, pour se concentrer ensuite sur les réflexions des philosophes des Lumières : Descartes, Kant, Hegel, Heidegger... Ceux-ci ont voulu exonérer Dieu de ses compromissions avec les religions historiques. De façon inattendue, ce mouvement a abouti à l'agnosticisme et à l'athéisme : ce Dieu détaché de l'histoire et de toutes nos contingences est un Dieu inutile ; il est donc logique de s'en passer, dès lors que l'homme est devenu adulte, capable par des conduites rationnelles de maîtriser la nature et d'orienter les événements. « De nombreux théologiens contemporains ont perçu l'incompatibilité entre le Dieu de l'approche philosophique et le Dieu biblique... Ils sont les témoins emblématiques de la prise en compte du caractère subversif de l'intervention du Dieu biblique dans l'histoire pour la démarche raisonnable... Il faut choisir entre un Dieu raisonnable et abstrait, et un Dieu impliqué dans les affaires humaines au risque de mettre en péril sa toute-puissance et son innocence » (p. 203).
La troisième partie du livre - la subversion du divin - développe l'hypothèse qui structure tout l'ouvrage : « L'alliance, telle que la Bible la présente, compromet Dieu avec les mouvements contradictoires de l'histoire, la révélation de sa réalité n'étant pas d'ordre conceptuel mais pratique » (p. 286). La figure du Serviteur permet d'interpréter le parcours de Jésus et est aussi la clé d'interprétation de l'alliance. « L'idée chrétienne de Dieu, arrimée à l'incarnation est essentiellement subversive : elle démantèle les grandes assurances métaphysiques et éthiques au profit d'un chemin inattendu orientant vers un Dieu affecté par le partenaire auquel il s'est lié » (p. 222).
En conclusion, Christian Duquoc reprend le thème de l'alliance. Conflictuelle, elle n'en est pas moins féconde. Dieu ne se comporte pas en planificateur tout-puissant. « La demande pressant Dieu d'intervenir pour que justice advienne anéantirait par son exaucement miraculeux la responsabilité des hommes dans la genèse de leur monde... La vérité de l'alliance postule le renoncement divin à une gestion miraculeuse. Le Dieu partagé tient compte des évolutions lentes de la maturation des individus et des collectivités. »