Danielle Quinodoz, Vieillir, une découverte, Presses universitaires de France, Paris 2008, 308 p.
Danielle Quinodoz, psychanalyste, autrice de plusieurs livres et lauréate de prix de psychologie à Rome et à Paris, devenue elle-même une personne âgée, livre ici la quintessence de son expérience de praticienne, formatrice et consultante. Spécialisée dans la psychologie du troisième âge, elle propose de « rendre à la vieillesse sa valeur et sa noblesse ».
Pas de théories desséchantes mais une série d'observations personnelles, régulièrement illustrées par des déclarations de patients ou des comptes-rendus succincts de traitements. L'analyste, avec simplicité, bienveillance et grand respect devant le mystère de la personne, suggère des manières souvent inattendues de voir la vieillesse et ouvre des pistes de réflexion engageantes, tout en s'impliquant fortement elle-même. Quelques échantillons de titres ou intertitres ne manqueront pas de piquer la curiosité : Le travail de vieillir est un cas particulier du travail de vivre (p. 5) ; Tourner la page, oui, mais après l'avoir lue (p. 42) ; Tout perdre sans se perdre (p. 117).
Parmi les sujets abordés, on en retiendra un pour sa valeur de thème majeur : la continuité de la vie. L'intégration de ses différents âges (enfance, adolescence, âge mûr) constitue pour la personne âgée un travail de mémoire qui, tôt ou tard, se révèle fructueux. Chercher dans son passé une cohérence vivante permet de mieux vivre le présent et de préparer l'avenir, même s'il doit être court !
En habile pédagogue, Danielle Quinodoz use volontiers d'images et ne craint pas de développer des métaphores empruntées au domaine artistique. Le lecteur non habitué au discours psychanalytique appréciera ses formules brèves, ciselées avec soin et chargées de sens. Ainsi « vieillir, c'est peut-être l'occasion de découvrir comment mieux s'aimer et mieux aimer » (p. 3).
Revenant sur cette possible découverte, sous-jacente dans tout son exposé, l'autrice insiste sur l'accomplissement ultime de la vie, que seul le désir d'aimer et d'être aimé est en mesure d'assurer. Elle entrouvre cette porte avec autant de modestie de bon aloi que de délicatesse inspirée, avouant la difficulté de décrire et de vivre le sentiment d'amour. A ce stade, le point de jonction de la démarche psychanalytique et de la parole libératrice chrétienne ne semble pas très éloigné.
Ce livre garantit d'utiles et belles découvertes à tout un chacun et à tous ceux qui se sentent appelés à réfléchir sur « le travail de vieillir », psychothérapeutes, soignants, médecins, accompagnateurs et seniors bien sûr. L'accroissement de l'espérance de vie ne nous fait-il pas comme une sorte d'urgence paradoxale d'y voir un peu plus clair dans nos eaux mêlées en vue du véritable accomplissement : « L'Eternité entre dans notre vie comme la mer dans l'estuaire d'un fleuve où les eaux du large se mêlent aux eaux douces » (Julien Green).