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jeudi, 16 avril 2015 16:21

Le ministère de prêtre

A la lecture des passages du pape sur le ministère du prêtre, je retrouve, au plus profond de mon coeur, ces puissants mouvements de vie que j’éprouvais lorsque, jeune homme, je discernais ma vocation. Je reconnais le feu brûlant qui m’a conduit au Séminaire, les grands désirs qui m’ont mis en mouvement et que le temps tente d’anesthésier : oui, François parle bien du prêtre que je veux être, mais dont je suis tellement loin !

Les propos du pape manifestent que le ministère du prêtre doit, pour porter un fruit vivant, unifier dans sa personne, d’une part, l’œuvre du Christ Pasteur et, d’autre part, l’épiderme rugueux ou l’épaisseur humaine du prêtre.
Le successeur de Pierre n’insiste pas tant sur les gestes du ministère du prêtre que sur la manière de les accomplir qui doit manifester la miséricorde du Christ en acte. Je me rends compte ainsi que si le ministère du prêtre est bien de servir l’Eglise en prolongeant l’activité de Salut du Christ - en d’autres termes, pour reprendre les mots du pape, de laisser s’épancher l’onction du Christ dans le corps de l’Eglise -, il n’a pas pour seul but le « produit fini », le résultat de l’activité pastorale. Ce n’est donc pas tant le résultat qui compte, mais bien plus le canal existentiel par lequel passe la grâce du Christ, ainsi que le chemin parcouru par les fidèles qui me sont confiés et par moi-même pour tendre vers le but. Le pape explique que l’humanité du prêtre - le fait qu’il soit un être humain vivant en chemin - n’est pas étrangère à la fécondité de l’onction du Christ qu’il communique dans son ministère. C’est comme si la grâce de Jésus-Christ, en passant par cette humanité, s’infusait, se colorait des caractéristiques du prêtre, pour accomplir pleinement son effet dans la vie de l’Eglise.
Le ministère presbytéral ne dispense donc pas une grâce insipide et aseptisée, mais une grâce « enrichie » ou teintée des marques et particularités de mon humanité. Non pas que cela lui apporte quelque chose de plus sur le plan de sa perfection christique et salvatrice, mais cette coloration a une influence sur sa fécondité dans le corps de l’Eglise ici-bas.

Le mystère de ma vocation
Je prends ainsi mieux conscience que le Christ me demande de lui prêter mon cœur, mon quotidien avec tous ses aléas, pour qu’il puisse, lui, à travers mon cœur et mon existence, aimer les hommes de ce temps : c’est le mystère de ma vocation ! Et quand je tente de faire fi de ce canal par lequel la grâce du Christ veut s’épancher dans le corps de l’Eglise, mon ministère alors ne porte que peu de fruit, je manque le but et j’échoue : je ne suis pas prêtre selon le cœur de Dieu.
Les textes du pape sur le ministère presbytéral me rappellent qu’il ne s’agit pas là d’une activité que je construis ou d’un service que je produis de mon propre chef, mais que ce ministère, au contraire, est un don que l’Eglise me partage : mon ministère de prêtre et la joie qui en découle sont « gardés » par le peuple de Dieu, écrit le pape François. Le sacerdoce ministériel reçoit sa raison d’être dans le service du sacerdoce baptismal des fidèles, dont la source et la vérité sont l’unique sacerdoce du Christ.
Cette vérité organique se vérifie dans l’activité pastorale de l’Eglise. L’Eglise est « pastorale », et c’est dans son mystère que le prêtre est pasteur au nom de l’unique Berger. Ce serait nier la vérité tant du sacerdoce ministériel du prêtre que du sacerdoce baptismal des fidèles que de réduire le ministère presbytéral à une « prestation » commandée et attendue par le peuple des croyants.
J’ai souvent l’impression que nos structures ecclésiales, héritées d’un passé révolu, font du prêtre un « professionnel » chargé d’exécuter son travail, tout comme elles font des croyants des « clients » ayant le droit de recevoir ce qu’ils demandent. Ce n’est pas là le mystère de l’Eglise ! Ces structures-là n’aident absolument pas les prêtres à exercer un ministère nourrissant et fructueux, tout comme elles ne servent pas la vitalité de la communauté ecclésiale.

Adapter la formation
J’en tire une conséquence pour mon ministère de formateur au Séminaire. Nous avons à cœur de veiller à ce que la formation des futurs prêtres, avec ses accents spécifiques, soit conduite de manière organique avec la formation des agents pastoraux laïcs, en vue d’une collaboration future harmonieuse. Cela est bon et nécessaire, mais insuffisant. Il faut encore, et mieux que nous ne le faisons actuellement, prendre les dispositions nécessaires pour que la formation des futurs prêtres baigne dans « l’activité pastorale de l’Eglise » (que je distingue de la restrictive « activité pastorale » de ceux qui ont un ministère dans l’Eglise).
Notre devoir n’est pas de former des professionnels capables de donner ou de vendre des services à des individus qui le demandent, mais des pasteurs qui discernent et apprennent leur ministère au cœur même de la large communauté ecclésiale (pas seulement la petite communauté du Séminaire) qui génère leur vocation particulière.
Concrètement, cela pourrait nous conduire à penser de façon renouvelée l’institution du Séminaire en vue de mises en œuvre nouvelles et prophétiques. Une présence plus effective des séminaristes dans une communauté ecclésiale particulière (une unité pastorale, par exemple) pourrait amener à mieux servir cette réalité mise en lumière par les textes du pape François. Cette vision renouvelée peut sans aucun doute servir aussi le dynamisme de la communauté ecclésiale particulière, notamment auprès des jeunes et des familles.

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