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jeudi, 16 avril 2015 16:26

Prêtre paternel, prêtre fraternel

Grand théologien allemand et philosophe de la religion, Romano Guardini (1885-1968) fut l’un des protagonistes du renouveau liturgique et spirituel de l’entredeux guerres. Au terme de sa vie, il s’est expliqué sur sa conception du sacerdoce (voir ci-contre). Sa pensée pourrait bien avoir éclairé celle du Père Bergoglio - futur pape François - qui lui a consacré sa thèse de doctorat.

Je pense qu’il y a plusieurs styles de vie et de ministère sacerdotal.[1] J’en vois surtout deux, sans parler de celui que l’on trouve dans les ordres religieux voués au salut du monde par la prière et la célébration uniquement.
Le premier, je l’appellerais le « prêtre paternel ». Celui-ci est motivé par une conscience aiguë de la fonction sacerdotale, semblable à celle que l’on trouve si forte chez saint Paul : par la Parole et le sacrement, il engendre des enfants spirituels, les nourrit, les protège et les guide.
C’est une très belle forme de sacerdoce, peut-être même la plus ancienne. Je n’ai pourtant jamais pu la réaliser. J’ai plutôt vécu un style de « prêtre fraternel ». Non pas par principe, mais simplement dans une attitude spontanée face aux tâches pastorales.
Le prêtre fraternel n’est pas motivé par le pouvoir sacerdotal ; il le porte en lui comme une force intérieure. Il ne se situe pas face aux croyants comme le détenteur d’une autorité, mais il fait route avec eux. Il craint de leur imposer des enseignements et des conclusions toutes faites. Avec eux, il est en recherche, il questionne, dans l’espoir d’une découverte commune.
Je sais bien ce que l’on peut opposer à cela : le christianisme ne part pas de l’homme mais de Dieu. C’est pourquoi il est essentiellement un « précepte » face auquel la seule attitude possible est l’obéissance. Aussi ne faut-il pas attendre de l’Eglise la découverte de nouvelles vérités, inconnues, mais uniquement l’annonce de ce qui a été révélé une fois pour toutes.
Mon point de vue en tient compte. Tout mon ministère acquiert un style différent si je m’appuie sur l’autorité pour exiger l’obéissance, ou si je me place aux côtés de l’autre pour essayer d’obéir avec lui. Dans les deux cas, on retrouve l’autorité et l’obéissance, mais par des chemins divers. Et dans les deux cas, on retrouve la fonction sacerdotale. Dans le premier, elle précède toutes les motivations qui déterminent une action ; dans le deuxième, elle oriente de l’intérieur en donnant la force et l’audace de s’engager et de persévérer… Dès lors la relation prêtre-laïc acquiert une nouvelle dimension.
J’ai souvent pensé qu’un grand nombre de difficultés disparaîtraient s’il y avait plus de prêtres fraternels. (Traduction P. Emonet)

[1] • Romano Guardini, Berichte über mein Leben, Patmos 1985, pp. 98-100.

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