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jeudi, 16 avril 2015 16:31

Le prêtre au XXIe siècle

Le pape François cherche à concilier les différents bords de notre société et demande aux prêtres de s’atteler à la tâche. Mais quand il s’agit des difficultés concrètes que rencontrent les prêtres dans leur vie - en particulier en Occident - il n’apporte pas de réponses satisfaisantes.

« Les prêtres « aseptisés », « de laboratoire », tout propres, tout beaux, n’aident pas l’Eglise », disait le pape François lors de sa rencontre avec le clergé de Rome, le 6 mars dernier. Or je me demande si la formation que l’on reçoit au Grand séminaire, cette formation lente et exigeante de sept ans au minimum, ne formate pas trop le futur candidat au sacerdoce. Si elle ne l’aseptise pas.
Le concile de Trente, en effet, a voulu uniformiser la formation du futur prêtre. Le jeune candidat doit donc s’insérer dans un moule préexistant depuis plusieurs siècles. S’il a trop d’individualité, s’il ne s’incorpore pas assez dans la dynamique du groupe, s’il n’acquiert pas suffisamment de bonnes notes lors de ses examens en philosophie et en théologie, il est remercié.
Mais le concile de Trente ne pouvait imaginer les défis auxquels la pastorale et le prêtre se trouveraient confrontés au XXIe siècle quant il fixa la théologie du prêtre. Comment concilier solitude et vie régulière de prière dans le silence et le respect des heures, avec le téléphone qui sonne sans cesse et les courriels auxquels il faut répondre le jour même si on ne veut pas être considéré comme en retard ? Comment concilier les messes tôt le matin avec les réunions de conseils de paroisses qui se terminent, après le verre de l’amitié, vers 23 h ?
Les défis que le prêtre doit relever en ce XXIe siècle sont multiples et complexes. Et on souhaiterait que le pape soit plus moderne, plus pédagogue et plus réaliste à ce propos. Ma lecture du bréviaire ne pourrait-elle pas être remplacée par l’heure de catéchisme que je dispense aux enfants qui se préparent à la première communion ? Voilà des questions, des remarques concrètes auxquelles le pape n’apporte, pour l’instant, aucune réponse !

Un réseau
Il y a certains défis qui appartiennent en partie au prêtre, mais d’autres non, comme sa collaboration avec les laïcs engagés dans l’Eglise, son travail avec les responsables d’autres confessions chrétiennes (pasteur, etc.) ou son lien avec les autorités civiles et politiques. Là, du moins dans notre diocèse, le prêtre est plus ou moins libre. D’autres défis encore ne dépendent pas de lui : la sécularisation, la déchristianisation d’une grande partie de la société, le manque de vocations, etc. Le pape ne pourra pas à lui seul, même après consultation de son conseil élargi (le G8), trouver une solution miracle. Il n’y a pas de recette magique.
Prenons les JMJ. Ces rassemblements semblent répondre à une demande, mais ils ne sauraient être suffisants. On y privilégie le ponctuel et l’événementiel à l’engagement constant, régulier. Peu de jeunes présents au JMJ s’engagent par la suite dans les paroisses. Le prêtre ne peut plus se contenter « d’être simplement avec » ou « aux cô tés de ». Il doit de plus en plus se manifester ou, comme le dit très justement François, « être pénétré de l’odeur de sa brebis ». Il doit marcher avec le peuple, certaine fois devant, puis derrière, puis au milieu, l’encourager, le sou tenir, l’épauler mais aussi l’exhorter. Plus encore, le prêtre se doit de quitter son presbytère, sa cure, rencontrer les gens en dehors, discuter avec eux, aussi avec ceux qui ne fréquentent pas l’église. Il doit aller au-devant des attentes du peuple de Dieu.
Mais s’il reste seul à porter les soucis de la pastorale dans sa globalité, il ne peut y arriver. L’esprit de clocher ne facilite pas les passerelles entre les villages, voire entre les communautés. Il lui faut donc des personnes de référence ou des personnes ressources. Or le soutien de l’évêque reste souvent très lointain.
Etre prêtre aujourd’hui, du moins en Europe de l’Ouest, ne constitue plus une promotion. La formation est longue, peut-être même trop longue pour les vocations tardives qui se retrouvent sur les bancs de l’université pendant des années alors qu’elles ont souvent un parcours de vie déjà riche derrière elles. Quant aux salaires, évidemment, ils ne correspondent pas au diplôme universitaire reçu ni aux années d’étude. La famille non plus, contrairement aux siècles passés, ne constitue plus nécessairement un appui pour l’éclosion d’une vocation. Mes parents, par exemple, ne se définissent pas comme pratiquants, et je ne sais pas vraiment s’ils s’estiment croyants. Ils ne m’ont jamais soutenu sur mon chemin du sacerdoce. Entrer au Séminaire, devenir prêtre, c’est pour certains, il est vrai, couper les ponts avec leur vie précédente. Observer une réelle rupture, entrer dans une nouvelle conversion plus exigeante.
Je ferai cependant la distinction entre un prêtre religieux et un prêtre diocésain. La vocation, le cheminement, l’appel ne sont pas identiques, même si une base commune est présente. Pour un religieux, ce qui est premier, au contraire du séculier, c’est d’abord sa communauté, sa famille religieuse ; la mission vient après. Le prêtre diocésain, pour sa part, est appelé auprès du peuple de Dieu, qu’il est invité à côtoyer en fonction du ministère qu’il exercera. Il est, pour reprendre une expression du bienheureux Père Antoine Chevrier, « un homme mangé », qui a comme première mission d’apporter la Bonne Nouvelle du Christ aux personnes qu’il côtoie, tout en étant à l’écoute du Peuple de Dieu, à l’écoute des demandes de ses fidèles.
Mais la réciprocité est aussi de mise, car si le curé a charge d’âmes, la communauté n’est pas exempte de devoirs envers son pasteur : elle doit l’entourer.

Les « oublis » du pape
Ainsi, quand un curé se met à déprimer, la responsabilité, d’après moi, est partagée par la communauté qui n’a pas su bien entourer son prêtre. Le pape François pourrait être plus clair à ce propos. Il y a encore un tabou au - tour de la question de l’alcoolisme chez les prêtres ou du burn out, de la dépression. Pourtant le prêtre n’est pas épargné !
Un prêtre doit savoir lire les signes des temps. Il n’est pas question pour moi qu’il se mette au-dessus du peuple… ou de ses aspirations. Le prêtre doit être solidaire, tout en indiquant et en maintenant une certaine direction. Il doit être un éveilleur des consciences, mener les hommes et les femmes de ce siècle à plus de spiritualité, plus de verticalité. Son message est un message sans frontières, comme le répète le pape François, car la prière, la compassion ne connaissent pas de frontières. Mais je souhaiterais que notre nouveau pape élargisse la dimension de la prière aux autres êtres crées. Pourquoi ne pas inclure dans nos prières l’environnement ou la question animale ?[1] Le prêtre doit être vigilant à la crise environnementale.
Enfin, l’ordination des femmes au diaconat doit être reprise - même si Jean Paul II a voulu clore à jamais cette porte -, de même que la question du célibat obligatoire, imposé pour les prêtres. François aura-t-il la possibilité d’ouvrir toutes ces questions ? J’en doute fort…

[1] • Olivier Jelen est le fondateur de la Fraternité sacerdotale internationale pour le respect de l’animal.

Formation catholique
Depuis septembre, l’Eglise catholique en Suisse romande dispose d’un nouveau centre de formation pour les agents pastoraux (prêtres, diacres et laïcs) : le Centre catholique romand de formations en Eglise (CCRFE).
Basé à Fribourg, il vise à améliorer l’offre de formation sur trois points. D’une part, en rassemblant laïcs et ordonnés (prêtres et diacres), il entend favoriser la collaboration dans le corps pastoral. D’autre part, il simplifie la structure en réunissant en un seul centre de compétence les acteurs majeurs de la formation romande - dont le Centre interdiocésain de formation théologique (CIFT), le Centre catholique romand de formation permanente (CCRFP) et l’Institut de formation aux ministères (IFM). Enfin, il présente les offres de formation continue de Suisse romande.
Le CCRFE se présente toutefois principalement comme un centre pour la formation initiale. Quarante étudiants laïcs sont entrés à l’IFM en septembre, pour une formation de trois ans. Le CCRFE accompagne également les étudiants laïcs de la Faculté de théologie de Fribourg dans leur entrée dans la vie pastorale, et collabore avec les séminaires pour la formation des futurs prêtres. (Plus d’infos sur www.ccrfe.ch)

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