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jeudi, 16 avril 2015 16:43

Rue des prêtres...

La « rue des prêtres » se trouve dans la petite ville de Yenne en France, sur le chemin de Compostelle. Elle date certainement d’une époque où il devait y avoir des moines, puisque dans l’église se trouvent des stalles. C’est un joli clin d’oeil pour silloner la réflexion autour du ministère sacerdotal.

J’aime cette idée de rue des prêtres qui indique un passage, un chemin. C’est un bon repère. Je préférerais cependant que la rue des baptisés la précède. Car avant d’être des prêtres, ces Pères sont des hommes avec des prénoms, puis des baptisés. Perdre de vue cela, ce serait perdre l’authenticité du chemin sur lequel ils se sont engagés.
Dans ces rues qui se succèdent, j’aurais aimé voir aussi la rue du service. Les Evangiles nous présentent Jésus comme le serviteur par excellence : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mt 20, 28). Il l’a fait dans la soumission au Père, avec confiance et fidélité, dans le respect total de ce lien fort et profond qui mène parfois là où l’on ne voudrait pas aller. Même Lui s’est rebellé.
A l’exemple du Christ, la réponse à la mission n’est autre que le service. C’est un état d’être et d’agir qui ouvre au désir de se réjouir de ce que chacune et chacun peut apporter. J’ose croire que Dieu n’a pas d’autre dessein que celui d’envisager son Eglise avec tous les engagé(e)s : permanent(e)s, laïcs, bénévoles et prêtres. L’idéal serait de fonctionner ensemble avec harmonie, dans un esprit de confiance tenant compte de nos complémentarités, de nos charismes, de la diversité de nos formations et de nos fonctions.[1]
Vivre dans cette rue du service, c’est pour moi être en relation. Plus je me sens dans la rencontre avec l’autre, plus il me semble toucher au divin, dans une communion réelle qui rejoint la Présence réelle. Alors j’ai mal lorsque j’apprends que des prêtres ont bouclé la rue où se tenaient des laïcs généreusement engagés dans le service de la foi pour répondre aux besoins spirituels de leurs petites communautés où il n’y a plus de prêtres.
Se sentant comme des élus et mis à part, certains abbés font passer les préoccupations de sacristie avant la vie d’une communauté qui se réunit pour prier et communier, mettant la priorité sur la doctrine ou les lois plutôt que sur l’Evangile. C’est sûrement là une rue sans issue, une impasse qui les conduit à la solitude. Ils ont oublié que pour les gens, la rue continue d’être passante.
J’ai la chance de travailler comme assistante pastorale dans le cadre d’une Unité pastorale où je fais l’expérience d’une belle collaboration, riche et complémentaire, basée sur la con - fiance. Nous pouvons nous réjouir de ce que l’un ou l’autre vit, du lien avec les gens, avec les bénévoles que nous respectons et encourageons. La communauté ressent et exprime les effets de cette dynamique. Cette reconnaissance nous stimule et nous motive pour donner à la rue un air de vie enracinée dans la Vie : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

Déjouer les impasses
J’en conviens, la situation actuelle de la société, et par voie de conséquence de l’Eglise, nous déstabilise, nous désoriente, et la rue de l’Eglise nous échappe parce que les gens la désertent. Les blessures profondes et l’inconscient collectif jouant un grand rôle, nous devons d’autant plus nous soutenir les uns les autres puisque nous avons, comme agents pastoraux, prêtres et laïcs, la même mission, la même responsabilité. Nous sommes invités à lâcher prise, à nous laisser orienter par l’Esprit de Dieu qui nous fait signe au milieu de ce qu’on pourrait appeler un capharnaüm.
Et justement, dans ce temps d’incertitude, nous sommes invités à arpenter la longue rue du ministère. Alors que tout semble clair avec la bonne odeur du Saint-Chrême lors de l’ordination, les effluves interpellent sur le sens et l’orientation à lui donner. Si l’un est appelé au service du ministère sacerdotal, c’est pour le service de tous. La réponse aux appels se faisant rare aujourd’hui, le risque est grand - peut-être même de plus en plus tentant - pour le prêtre de devenir un fonctionnaire, un gestionnaire d’entreprise et un distributeur de sacrements. Tout cela l’éloigne de sa vocation véritable : être le pasteur d’une communauté, « parfois devant pour la guider, parfois au milieu pour l’encourager, ou derrière pour la maintenir unie et sentir son odeur parce qu’il a du flair pour trouver de nouvelles voies sur le chemin ! » (pape François).
Encore faut-il que le prêtre n’ait pas peur d’être à l’écoute des signes des temps, de suivre les bonnes intuitions et d’oser des initiatives. Seulement, il n’est pas seul. L’institution pèse lourd parfois. Il doit se référer à l’évêque, qui doit se référer à... et ainsi de suite dans l’échelle hiérarchique. Mais comme dit le dicton, « qui ne risque rien n’a rien ! » Dans une saine collaboration, on gagnerait à inventer, à partir de la rue principale des sacrements, des ruelles transversales qui donneraient à des laïcs formés ou expérimentés un accès à certaines de ces rues par un mandat ponctuel : pour offrir, par exemple, le sacrement des malades dans les hôpitaux ou à la maison, célébrer des baptêmes, distribuer le pain eucharistique lors d’une liturgie où des membres de la communauté se réunissent pour prier, chanter et écouter la Parole de Dieu…
Cette crise, non pas des vocations mais des baptisés, nous demande d’être créatifs et inventifs. Ce n’est pas sans difficultés, mais si nous prenons en - semble, avec amitié et foi la rue de la joie, sachant qu’elle prend sa source dans l’Amour du Père auquel Jésus ne cesse de se référer, nous serons capables de voir les signes que l’Esprit nous fait. Osons le regard qui nous projette sur la rue de l’Espérance, là où un autel permanent est érigé pour célébrer la Vie et poursuivre le chemin, car elles sont nombreuses les personnes qui attendent une oreille attentive, un cœur disponible les accueillant avec une attitude spirituelle.

[1] • Cf. saint Paul (Rm 12,4-5 ; 1 Co 12).

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Dernier de Catherine Menoud

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