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Redaction

Affiche de l'exposition Carl von Martius 2020 © CJBGLe Jardin botanique genevois célèbre les 200 ans du périple en Amazonie de Carl von Martius. Le travail remarquable et colossale de ce botaniste bavarois constitue un trésor, qui prend encore plus de valeur aujourd'hui sachant que la biodiversité amazonienne est menacée. Une exposition de la Bibliothèque des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève (CJBG) retrace le voyage mythique de cet explorateur et ce que le canton lui doit. L'exposition dévoile en effet les liens scientifiques entretenus entre Martius et les célèbres botanistes genevois du XIXe siècle, dont Augustin Pyramus, fondateur du jardin botanique genevois.

À voir jusqu'au 24 décembre 2020

lundi, 11 mai 2020 09:37

Revue choisir n° 696

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JUILLET - SEPTEMBRE 2020

lundi, 11 mai 2020 08:56

Recensions n° 696

© Illustration, Nicolas FossatiYvan Mudry
Le paradis des jours
St-Maurice, Saint-Augustin 2020, 150 p.

De L’expérience spirituelle aujourd’hui en passant par un Pur bonheur, nous voici sans doute au terme du parcours avec Le paradis des jours. L’auteur achève ainsi sa trilogie, pour pointer ce qui nous est plus qu’essentiel et qui, paradoxalement, se donne en se retirant. Après l’échappée belle de l’étranger du dedans dont l’heureuse issue est d’être réconcilié par un Autre, après l’événement, cette nourriture si savoureuse, qui fait émerger un monde nouveau, voici, comme un point final, une phénoménologie de l’habiter pleinement chez soi. Mudry 1

À son habitude Yvan Mudry s’appuie avec finesse et érudition sur sa connaissance de la poésie contemporaine et de la tradition mystique pour toujours mieux préciser les contours de cet espace intérieur, de ce lieu où il est donné à l’être humain de vivre pleinement chez lui: l’Ouvert, cet arrière-pays à la fois si étrange et si familier.

À la différence de François Julien ou Peter Sloterdijk qui se refusent à franchir le pas vers cet Ailleurs que chantent les poètes et dont souffrent suavement les mystiques, l'auteur ne s’arrête pas à mi-chemin. Refusant d’être enfermé dans l’horizon bouché de notre société, il s’attache à décrire cet « autre monde » qui se trouve dans le quotidien de nos jours. Là où tout est offert, advient une inouïe liberté surgie de l’Amour qui appelle à habiter ce lieu à la fois intérieur et extérieur, sombre et lumineux, accessible et inaccessible.

Belle et fine description de l’expérience spirituelle, cet ouvrage, remarque l’auteur, pourra interloquer voire rebuter ceux pour qui les terres du dedans restent inconnues. Pourtant, à ceux qui se souviendront de leurs heures étoilées, de leurs minutes heureuses, ce livre offrira des paroles, des images qui pointeront l’indicible. Merci à Yvan Mudry de nous livrer son livre le plus personnel en sentant, reconnaissant et nommant l’Essentiel qui fait vivre.
Luc Ruedin sj

 

JOUSSEAUMECharlotte Jousseaume
Le silence est ma joie
Paris, Albin Michel,
nouvelle édition 2020, 154 p.

«Un livre n’est rien d’autre que quelques instants de vie, de lecture, d’écoute et de prière. Un espace temporel -mieux, une dynamique temporelle- où est livré à l’écoute le mystère de l’être, du vivre et du parler.» Dans sa maison de bord de mer, à Varangeville, en Normandie, maison baptisée le Chêne de Mambré, comme une alliance entre la terre et le ciel, l’auteure a trouvé un refuge à la hauteur de ses aspirations spirituelles. C’est «une maison à la porte ouverte». En tant que lectrice on s’y sent aussi accueillie.

Elle y a écrit six lettres, issues du deuil de son mari dont le corps n’a jamais été retrouvé après sa disparition en montagne. Dans la solitude, la communion avec la nature, «dans la patience et le travail du temps», elle médite sur la vie, sur sa foi en Christ et sur ses rencontres et ses amitiés. Dans des pages pleines de profondeur, de simplicité et de sensibilité, elle dit son sens de l’écriture. «L’écriture est mon métier à tisser», écrit-elle aussi sur son blog. On ne sera donc pas étonné qu’elle anime des ateliers d’écriture et de créativité.

Voilà un livre qu’on a de la peine à lâcher. Il est à lire et à relire, à méditer à petites doses, pour se laisser imprégner par la joie née du silence. C’est aussi une œuvre qui réveille à sa propre écriture. Une caisse de résonance, un miroir tendu par l’auteure où plonger.
Marie-Thérèse Bouchardy

 

NouisAntoine Nouis
Des nouvelles de la mort
Paris, Olivétan / Salvator 2019, 176 p.

Le titre de ce livre dit bien vers quoi on s’approche. L’auteur, bibliste et théologien, a été pasteur en paroisse et directeur de l’hebdomadaire Réforme. Il a écrit ce livre, inspiré par de nombreuses rencontres vécues et par des récits qu’il a lus. Il y est question de quinze personnes chez qui seront décrits: le rêve, la rencontre, la sagesse d’une grand-mère, une intervention, un bouquet, l’histoire d’une mère, un enterrement et des cendres, les adieux d’une foi, d’un pays, d’un parti, d’une mémoire, d’une entreprise...

Les chapitres se lisent facilement et suscitent beaucoup d’émotions tant les êtres concernés fonctionnent différemment. Chacun a son propre monde, personnel et secret. Que diriez-vous si on vous suggérait, avant de prendre une décision, de faire chauffer une écaille de tortue afin d’examiner la direction des craquelures? Si un Occidental croit très fort à la raison, un Oriental prône l’intuition même s’il est un ingénieur de haut vol.

Dans la deuxième partie du livre, l’auteur reprend les héros du début et les conduit plus loin. Chaque chapitre vous dirige vers une situation différente et vous avancez, découvrant, comprenant. De grands écrivains sont évoqués: Mauriac, Gide, Soljenitsyne, Goethe, Michel Serres, Montaigne, Tolstoï, Marguerite Yourcenar, Freud, pour ne citer qu’eux.
Marie-Luce Dayer

 

ChoplinMarie-Laure Choplin
Un seul corps
Genève, Labor et Fides 2019, 96 p.

Que la vie est belle et remplie d’amour quand on sait être présent aux petits riens des rencontres journalières. Un sourire, un geste d’accueil entraînant un autre sourire, un autre geste d’accueil… Ces seize textes nous immergent dans la vie qui circule et nous relie.

Marie-Laure Choplin (aumônier au CHU de Grenoble et formatrice) sait combien la poésie aide à plonger dans une humanité journalière et donne de la saveur à la vie. «Le ciel rit avec la terre qui roule de joie au soleil […] Mille harmoniques subtiles se passent de mots pour tisser ce qui naît […] Il n’y a pas d’ailleurs pour vivre» et ce qui nous est donné est à partager. Le monde est «un récital improvisé» où l’on parle toutes les langues, celle du chat et celle du mutique voisin, des jeunes plantes ou des arbres, des rencontres connues ou inconnues.

Une symphonie est à portée de tous: celle de l’Évangile qui brûle les cœurs et forge un seul corps, celui de tous les vivants qui respirent et font danser le monde en marche, accompagné du Vivant qui demeure en lui.

Une lecture qui apporte la fraîcheur et l’amour du quotidien, quand l’attention se laisse porter à fleur de regard. Que celles et ceux qui s’absentent les yeux fixés sans relâche sur leur téléphone portable passent leur chemin. Il n’y a pour eux rien à voir! Ils ont perdu la vie.
Marie-Thérèse Bouchardy

 

Geyler 1Bernard Geyler
Maurice Zundel. Le passeur de gué
Paris, Parole et Silence 2018, 220 p.

L’auteur, architecte qui sut remettre en état de nombreux édifices chrétiens, a rencontré Maurice Zundel à travers un de ses premiers livres, Croyez-vous en l’homme?, offert par Nicolas Jean Sed op, suivi d’un autre, Quel homme et quel Dieu? qui regroupe des exercices spirituels prêchés par le prêtre neuchâtelois au Vatican. Cette découverte donna envie à Bernard Geyler de comprendre plus profondément la spiritualité de Zundel, en entreprenant un master en théologie sous la conduite de la professeure Marie-Anne Vannier. Son livre nous rapporte la quintessence de son étude.

Il propose, en un premier temps, d’identifier les effets et les personnes qui ont éveillé la pensée du jeune Zundel. Tout d’abord sa grand-mère, qui vivait constamment en présence de Dieu. Elle l’emmenait régulièrement visiter les pauvres. À 10 ans déjà, Zundel savait que le mot «pauvreté» conduirait sa vie, mais aussi son regard sur Dieu. Puis Marie: à 15 ans, lors d’une prière à la Vierge dans l’église rouge de Neuchâtel, il ressent profondément qu’elle est vraiment une mère pour tous les hommes. La même année, grâce à un ami protestant, il découvre Le sermon sur la montagne, qui l’amène à établir définitivement un lien direct, de personne à Personne, avec Dieu, particulièrement à travers le texte des Béatitudes. Poursuivant des études secondaires à l’abbaye d’Einsiedeln, il découvre ensuite, avec émerveillement, la liturgie. Il sera moine dans son âme, en quête de silence, de prière et deviendra oblat bénédictin. Enfin, à partir de 1925 et jusqu’en 1946, Zundel est éloigné de son diocèse par décision de son évêque Mgr Besson. Cette traversée du désert, parfois douloureuse, lui donnera du temps pour se construire et fonder sa pastorale à venir.

Dans un deuxième temps, l’auteur décrit la théologie de Zundel. Celui-ci recommande une vie d’union à Dieu pour le connaître. Vivre en Dieu, s’émerveiller de Lui, pour adhérer silencieusement à la Présence, à ce Dieu Trine en lequel jaillit un échange d’amour incessant entre le Père et le Fils par l’action de l’Esprit saint. Sa pensée et son objectif s’inscrivent dans cette constante: il s’agit de développer la relation entre Dieu et l’Homme. Mais l’Homme doit naître à nouveau: c’est un des thèmes majeurs de toute sa prédication. La transmission de Dieu est liée à la transformation de l’homme. Qui pourrait prétendre transformer autrui au nom d’un Dieu qui ne le transformerait pas lui-même?

Concernant le problème spécifique du mal, Zundel dira: «J’enrage quand on me dit que Dieu permet le mal.» Pécher n’est pas un acte pour lequel nous serons punis, car le Christ ne sait que pardonner. Ce qui est beaucoup plus grave, c’est la souffrance que nous infligeons au Christ. Si Dieu existe, et qu’il est le créateur de la nature, il est donc aussi le créateur de cette aspiration vers le bien et de cette révolte contre le mal. Et qu’est-ce que le bien? « Il n’est pas quelque chose à faire, mais quelqu’un à aimer.» Son Dieu est le dieu de la pauvreté, du lavement des pieds.

Cette étude remarquable permet d’entrer avec bonheur dans le dynamisme de la pensée zundélienne, bien nécessaire pour notre temps.
Monique Desthieux

 

PerrierMgr Jacques Perrier
Comment visiter une église
Paris, Salvator 2019, 218 p.

Cet ouvrage est destiné à tout visiteur ordinaire d’une église, si tant est que ce visiteur se demande quel peut être le sens d’une église pour les chrétiens et qu’il désire visiter les lieux d’une façon différente de celle qui lui ferait visiter un musée. Explicitant la foison de symboles et de représentations de récits devenus peu familiers au visiteur lambda, le livre se veut une bonne ressource pour trouver des repères et résoudre quelques énigmes.

Après quelques éclaircissements de vocabulaire et quelques jalons historiques, l’auteur, évêque émérite de Tarbes et de Lourdes, propose de commencer par observer l’édifice de l’extérieur (site, environnement, emplacement, clocher, cimetière…), puis de s’approcher de l’entrée et d’explorer les façades, le portail, le tympan et ses scènes représentatives…

Passant le seuil de l’église, il s’agit ensuite d’en apprécier le plan. L’auteur propose trois façons de comprendre le plan d’une église et pour cela il se base sur la Sainte Trinité. S’agit-il d’une église tournée vers l’est et construite en hauteur? Elle exprime l’idée du Christ tête du corps-Église. D’une église en coupole? Elle signifie le Père qui est aux cieux. S’agit-il plutôt d’un édifice tourné vers le centre? Il symbolise l’Esprit qui réunit la communauté.

Les chapitres suivants présentent la signification des objets que l’on peut trouver à l’intérieur d’une église: bénitier, chemin de croix, tableaux, veilleuse du Saint Sacrement, autel, tabernacle, cierge pascal, ambon, etc. Les statues sont détaillées, ainsi que leurs attributs, pour en faciliter la reconnaissance.

Après un passage sur la «querelle des représentations», posant la question de la légitimité des représentations figuratives, Mgr Jacques Perrier décrit des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament et les explicite. Puis il énumère les symboles chrétiens comme le poisson, l’ancre, l’agneau… Revenant sur certaines scènes de la vie de Jésus ou de Marie, il cite les textes parlant de ces épisodes et explique que beaucoup de représentations proviennent de textes apocryphes.

Une liste de symboles et d’attributs des saints ainsi qu’un glossaire concluent ce livre que l’on peut considérer comme une bonne vulgarisation d’une culture chrétienne devenue inaccessible à beaucoup de nos contemporains.
Anne Deshusses-Raemy

 

SenezeNicolas Senèze
Guide étonné du Vatican
Paris, Salvator 2019, 320 p.

Journaliste et correspondant permanent au Vatican, l’auteur intitule son ouvrage Guide étonné du Vatican car il veut permettre au lecteur de découvrir tant le Vatican lui-même que les lieux spirituels et culturels que Rome lui doit. De fait, l’on s’aperçoit très vite à la lecture qu’il ne s’agit pas d’un guide du seul Vatican, mais d’un guide de… Rome! Et l’on peut se demander s’il est bien judicieux de considérer les merveilles de la Ville éternelle comme une sorte d’extension de l’État pontifical.

Après une partie historique et une liste assez rébarbative -mais qui se veut exhaustive- des artistes ayant laissé une trace à Rome, le journaliste explique comment une personne peut rencontrer le pape et obtenir une audience. Puis il nous guide dans le Vatican «en ses murs»: Saint-Pierre, le Palais apostolique, les Musées, les jardins. Dans ce chapitre, on découvre cinq pages concernant les gardes suisses. Suivent des propositions de visites «autour du Vatican»: le Château Saint-Ange, par exemple.

Le chapitre intitulé Le Vatican dans Rome nous emmène en promenade dans ce que l’auteur appelle la Rome vaticane, qui comprend la découverte du Janicule, du Trastevere, du Champ de Mars et du Capitole. On comprend peu à peu que le journaliste cherche à suivre les pas des premiers papes jusqu’à la papauté rayonnante. Le chapitre suivant nous emmène au Vatican «hors les murs», sur les pas de saint Paul, dans les catacombes et jusqu’à Castel Gandolfo. L’ouvrage se termine, comme tout guide touristique, par quelques conseils pratiques comme des horaires de bus, des prix indicatifs, etc.

Guide étonné du Vatican? Si étonnement il doit y avoir, il se situe dans le titre de ce guide, qui superpose de façon étonnante Rome et le Vatican…
Anne Deshusses-Raemy

 

Wirth 1Jean Wirth
Petite histoire du christianisme médiéval
Genève, Labor et Fides 2018, 198 p.

Quand on évoque le Moyen Âge, on pense d’emblée que ce fut un temps où la religion avait un rôle prépondérant. Le présent ouvrage, très documenté, écrit par un historien, professeur honoraire de l’Université de Genève, vise à montrer l’originalité et la puissance du christianisme médiéval de langue latine.

Les théologiens médiévaux ont revisité les fondements bibliques de notre foi, en particulier les textes de la Genèse, d’où l’importance donnée au «péché originel»: à la suite d’Augustin, il fallait croire que le coït parental transmettait la faute originelle. Les principaux dogmes ont aussi été réexpliqués, comme celui de la Trinité. Le De Trinitate de saint Augustin fut largement étudié dans les milieux monastiques.

D’autres questions encore furent largement débattues. Par exemple, d’où venaient les anges et les démons? Augustin avait apporté une solution qui perdura au Moyen Âge: Dieu dut affronter une révolte d’une partie des anges, avec l’aide de ceux qui lui étaient restés fidèles; les rebelles peuplent désormais ce domaine ténébreux, l’Enfer, d’où ils s’échappent souvent pour commettre des forfaits sur terre.

Le Moyen Âge s’est aussi intéressé, en tâtonnant, au sort des Hommes dans les temps derniers. Origène, en particulier, pensait que les peines infernales sont des purifications qui permettent aux anges déchus et aux pécheurs d’accéder finalement à la béatitude dans une restauration universelle; mais son opinion sera déclarée hérétique. À partir du VIe siècle, il sera établi que les peines infernales n’ont pas de fin.

Dans le haut Moyen Âge, les clercs disposaient d’une langue écrite, le latin, dont ils avaient le monopole, ce qui leur donnait un pouvoir inouï. Eux seuls avaient un accès direct aux textes saints, qu’ils pouvaient retransmettre comme ils le souhaitaient. Eux seuls pouvaient accomplir les rituels autorisés, incompréhensibles aux autres et d’autant plus impressionnants.

Encouragée par les empereurs, mise en œuvre par les papes à partir de Léon IX, une réforme générale de l’Église s’enclencha au milieu du XIe siècle, visant à éradiquer la simonie et le nicolaïsme (l’incontinence des clercs).

Il est certain que bien des croyances qui ont fleuri dans le monde médiéval ont disparu. De la Réforme à la loi française de séparation de l’Église et de l’État, en passant par la disparition des États pontificaux, l’Église a perdu sa puissance foncière et ses privilèges institutionnels, l’appartenance religieuse ou son refus relevant du choix de chacun.

Cependant la splendeur et les dimensions croissantes des églises du XIe au XIIIe siècle restent les témoignages les plus spectaculaires d’un essor des arts et des techniques dont l’Église fut à la fois la première actrice et la première bénéficiaire. Ces trésors artistiques, qu’ils soient d’orfèvrerie, picturaux ou sculptés, suscitent notre admiration pour ces si habiles artisans médiévaux et donnent joie à les contempler.
Monique Desthieux

 

Piguet 1Étienne Piguet
Asile et réfugiés
Repenser la protection
Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes 2019, 184 p.

Ce titre fait partie de la collection Savoir suisse, une encyclopédie du type Que sais-je, couvrant culture, économie, politique, arts, média, littérature et même sports, avec un ouvrage sur le football. Universitaires, chercheurs indépendants, auteurs d’ouvrages d’opinion, c’est une vaste palette que rassemble cette collection novatrice.

Étienne Piguet, titulaire de la chaire de géographie des mobilités à l’Université de Neuchâtel, vice-président de la Commission fédérale des migrations, entre autres fonctions, a porté ses recherches sur les flux migratoires. De l’historique du refuge et de l’asile, on retient que la notion d’asile devient pertinente au XVIIe siècle, anticipant la notion d’asile politique. Certains cantons suisses le savent bien: la révocation de l’Édit de Nantes a forcé des centaines de milliers de réfugiés huguenots à l’exil en terres protestantes européennes.

Avec la Révolution française, on assiste à l’exil des aristocrates vers les monarchies européennes. Au XIXe siècle, les opposants politiques, souvent «progressistes», forment l’essentiel des réfugiés en Europe, ainsi que les internés fuyant une défaite (les 87'000 Bourbakis par exemple). La Suisse, au carrefour des États-nations, en accueille des vagues successives. On sait que les anarchistes et les révolutionnaires russes, notamment, trouvèrent refuge en Suisse, y poursuivant leur œuvre, en phase avec les combats sociaux dans notre pays (les Internationales socialistes).

La désagrégation des Empires et la Première Guerre mondiale génèrent des mouvements de populations sans précédent. Un Haut Commissariat pour les réfugiés naît en 1921 déjà sous l’égide de la Société des Nations à Genève. La Deuxième Guerre mondiale, elle, voit se dérouler des atrocités sans que les victimes puissent se réclamer d’une protection explicite. Ce n’est qu’en 1951 qu’une définition du réfugié est inscrite dans la Convention des Nations Unies.

Le livre ne s’arrête pas là, il se penche sur les soubresauts de l’Histoire au XXe siècle et sur les réfugiés d’aujourd’hui. Il donne des suggestions pour réformer un système qui, selon l'auteur, «refuse la protection et oppose un déni de justice à des milliers de personnes qui en auraient besoin», déplorant que l’asile aujourd’hui se soit fortement restreint.
Valérie Bory

 

Thong 1Joseph Lê Minh Thông
Qui est «le disciple que Jésus aimait»?
Paris, Cerf 2019, 160 p.

L’auteur, dominicain, enseignant à l’École biblique et archéologique de Jérusalem, montre tout d’abord que l’on ne peut identifier «le disciple que Jésus aimait» avec Jean l’apôtre, fils de Zébédée. Citons quelques propositions faites par le frère Joseph à la recherche du véritable «disciple que Jésus aimait: André parmi les Douze, Nathanaël, Thomas, Matthias, Lazarre, Jude, le jeune homme riche, Jean-Marc et même Paul ou Judas Iscariote».

À la suite de son étude exégétique, certes très sérieuse, l’auteur se rallie à l’opinion de la plupart des biblistes d’aujourd’hui, à savoir que «le disciple que Jésus aimait» est à la fois un personnage historique et une figure symbolique. Car toutes les tentatives hypothétiques pour donner un nom ou une fonction à ce disciple sont jugées insatisfaisantes.

Le dominicain nous invite donc à respecter l’anonymat de ce disciple et à devenir, chacun d'entre nous, ce «disciple que Jésus aimait», en imitant cette célèbre figure, dépeinte en particulier dans l’Évangile de Jean. Ce disciple bien-aimé est un modèle tant il fut fidèle -mettant toute sa confiance dans le Christ- et prompt à reconnaître le Maître.
Monique Desthieux

 

PoujolRené Poujol
Catholique en liberté
Paris, Salvator 2019, 220 p.

D’une plume alerte, l’auteur, blogueur et journaliste catholique engagé, a organisé son livre en trois parties de taille inégale. Il s’adresse d’abord à «mon Église» et à «ceux qui la conduisent», ensuite à «mes frères chrétiens», enfin à «la société où je vis» -une façon très sympathique d’exprimer son acceptation et, en partie, son identification avec une institution, des gens et une communauté dans laquelle il vit. Dans un style clair, loin de la langue de bois de certains ecclésiastiques, il exprime les points de son consentement et de son désaccord. Et il en donne des raisons.

René Poujol propose une réflexion bien argumentée sur la situation de l’Église secouée par des scandales récents, en montrant qu’elle a besoin autant de réforme que de sainteté. Il se penche sur la doctrine de la foi et de la morale, qu’il faut savoir exprimer «dans un langage accessible à la culture du XXIe siècle, en réponse au sentiment de bien des fidèles de ne pas comprendre ce qu’on leur donne à croire». Puis il interroge la vision de l’Église centrée sur la figure du prêtre: est-ce que sa place centrale, «de la base au sommet», dans l’institution reste une réponse pertinente dans nos pays d’ancienne chrétienté?» L’auteur insiste sur le fait qu’il faut dénoncer le mal dans l’Église comme dans la société -et il le fait d’une façon claire et bienveillante- mais il appelle chacun à de ne pas dépenser «plus d’énergie à dénoncer le mal qu’à faire le bien».

Enfin, il part du fait que l’État est et doit rester laïc, mais que la société, espace d’un pluralisme de convictions, ne doit pas être façonnée sur ce modèle: ses membres doivent apprendre le vivre ensemble et appréhender les différences comme un enrichissement possible commun. Reste la question: comment faire?

Ce livre stimule la réflexion, pose des questions pertinentes, provoque des prises de positions et montre avec conviction comment on peut parler librement en catholique, avec amour et critique.
Stjepan Kusar

 

Junod 1Marcel Junod
Le troisième combattant
De l’Ypérite en Abyssinie à la bombe atomique d’Hiroshima
Genève, Olizane 2019, 320 p.
1re édition 1947

Le troisième combattant, c’est «cet homme, cette femme, qui n’appartient ni au camp des vainqueurs ni au camp des vaincus, qui vient vers ces mourants et soigne leurs blessures». Marcel Junod (1904-1961) est un médecin suisse qui a accepté des missions en tant que délégué du CICR. Il écrit pour ne pas oublier toutes les guerres, tous les drames, toutes les détresses du monde, lui qui voit «se dresser tous les corps douloureux, tous les visages anxieux creusés par la souffrance qui ont hanté [sa] route depuis onze ans». En Éthiopie (en guerre contre l’Italie), en Espagne (guerre civile), à Berlin, à Cracovie, à Athènes pendant la Deuxième Guerre mondiale ou au Japon (il se rend à Hiroshima trois jours après la bombe atomique du 6 août 1945). Le Dr Junod est un pionnier qui a su infléchir le travail du CICR sur le terrain.

Quelle patience, détermination, persévérance, ténacité, courage pour rester neutre, objectif et modeste. «Le respect de l’homme, sans considération de vainqueur ou de vaincu et sans intervenir dans le jugement ou la condamnation d’un coupable» demande un haut degré d’abnégation. «Intervenir… ce n’est souvent que rappeler au pouvoir qui décide l’existence de ses victimes, même lointaines, et lui montrer la réalité de leur souffrance.»

Ce sont des personnages de cette trempe -et il y en a beaucoup- qui font le renom du CICR quand il s’agit de prendre des risques pour échanger des otages, pour acheminer des secours, pour soigner des blessés et pour témoigner des brûlures par le gaz moutarde en Abyssinie ou par la bombe atomique à Hiroshima. Quand il s’agit aussi de retrouver et d’améliorer les conditions de survie dans les camps de prisonniers, de distribuer médicaments et nourriture, de parlementer avec les autorités des deux bords, de livrer un combat contre tous ceux qui enfreignent les Conventions, les ignorent ou les oublient. «Il faut combattre pour les faire appliquer et il faut combattre pour les dépasser. Il faut combattre pour en faire admettre l’esprit si les textes sont imparfaits.»

Les remerciements adressés par le général Mac Arthur à la délégation du CICR à Tokyo pour le travail accompli pour les prisonniers américains encouragèrent à l’époque l’institution basée à Genève: «La Croix-Rouge est trop modeste. Elle est trop restée dans l’ombre […] Elle occupe une position unique dans le monde et dans toutes les nations. Il faut maintenant que cette valeur serve à plein. Il faut l’engager tout au fond du problème.» De la Villa Moynier (dans le Parc Mon Repos) au siège actuel (avenue de la Paix), le CICR grandit avec ses engagements sur le terrain.

Le documentaire de Romain Guélat, Dr Junod, le troisième combattant (2019), relate l’engagement pionnier de ce «globetrotter humanitaire», ainsi nommé par Jean-François Berger, scénariste du film. Cette production a le mérite de lier les efforts passés du CICR avec ses engagements actuels sur le terrain, et souligne l’importance des petits gestes d’humanité en toute situation.
Marie-Thérèse Bouchardy

 

SmedtMarc de Smedt
Les racines de la méditation et des pratiques d’éveil
Paris, Albin Michel 2020, 368 p.

«Méditer ne demande rien et ne se fait pas avec des mots. Ce n’est donc pas une prière: c’est une pure présence.» Marc de Smedt, nous dit Christophe André dans la préface, est «un des pionniers dans ce domaine au croisement de la spiritualité et de la psychologie.» Mais pourquoi méditer? «Tout simplement parce que nous sommes mentalement et émotionnellement, encombrés et pollués par tout un fatras formé par la substance même de nos vies.»

Il s’agit de nous éveiller, de renaître à la vie; il s’agit de liberté et d’ouverture intérieure; il s’agit d’apprendre à exister dans le réel tout simplement. «Le vrai bonheur, la vraie liberté est conscience de l’impermanence, respect, compréhension de la vie et de soi-même. S’éveiller de son rêve pour vivre ici et maintenant.»

Cet ouvrage nous présente une vaste palette des chemins de la méditation aux couleurs des différentes traditions religieuses et spirituelles: juive, chrétienne, musulmane, indienne, bouddhiste, taoïste, zen… Une plongée dans la richesse de ces voies qui nous parlent toutes «d’un état intérieur fait de disponibilité et de silence». Marc de Smedt n’élude pas les obstacles, les pièges. La rencontre de grands méditants du passé et du présent dans cet ouvrage nous ouvre le chemin. Il n’est pas inutile en effet d’avoir un guide quand on débute dans cette voie.

La méditation nous fait comprendre que l’Univers est un corps, que tout est régi par la loi de l’interdépendance, dit l’auteur. Son fruit est l’amour et la compassion pour tous les êtres. La puissance de la méditation pour «dénouer les nœuds du corps» a conduit aux techniques modernisées connues sous le nom de Mindfulness, pleine présence ou pleine conscience, qui aident les gens à sortir de leur détresse chronique et les malades à gérer la douleur... Elle est aussi testée dans de nombreuses écoles. On peut donc méditer dans un cadre religieux ou laïc.

La méditation est aussi l’art de jouir de l’instant présent: postures adéquates, respiration, relaxation… Mais elle ne se limite pas à l’assise, elle apprivoise tous les actes quotidiens. Cette attention amène à se découvrir soi-même. «Tous nos problèmes viennent de notre désir de saisir.» La méditation est lâcher-prise. Comme le dit un mystique du désert: «L’égo de l’être humain passe son temps à compliquer les choses. À nous de savoir redevenir simples.» Cette voie «se sert du mental pour mater le mental.» «Délivrez-nous du mental et de ses obsessions», dit un auteur en donnant une autre saveur au Notre Père!

Quel bonheur, de prendre soin de son intérieur, de méditer. C’est «ce que l’on peut vivre de plus haut en matière de spiritualité… La pure présence à la présence.»
Marie-Thérèse Bouchardy

 

lundi, 08 juin 2020 13:46

Rencontre avec Raphaël Buyse

Un auteur un livrRaphael BuyseRaphael Buysee invite les personnes intéressées à les rejoindre sur Zoom pour rencontrer, le samedi 28 juin, à 11h, Raphaël Buyse, auteur d'Autrement Dieu (Bayard, 2019).
Raphaël Buyse est membre de la fraternité diocésaine des parvis à Lille. Il partagera avec son auditoire son expérience passionnante et déconcertante dont il témoigne dans son livre. Vous aurez l’occasion de poser vos questions à l’issue de leurs interventions.

mardi, 16 juin 2020 07:29

La redécouverte de la couleur

Jakob Adolf Holzer, Vision des Heiligen Johannes (Sayles Memorial Window), 1908, détail. © Eigentum der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Bundesamt für Kultur, Bern / Matthias Bill.Le Vitromusée Romont consacre sa nouvelle exposition temporaire à la redécouverte de la couleur au XIXe siècle dans l'histoire de l'art du verre et l'explore en six sections thématiques. L’importance des arts de l’islam et de ses couleurs intenses comme source d’inspiration pour l’art du vitrail du XIXe siècle y est ainsi démontrée, avec les dessins préparatoires de Georg von Dollmann (1830–1895), Wilhelm Megerle (né en 1863) et Theodor Zeerleder (1820–1868).
À voir jusqu'au 28 février 2021.

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