Alors que tout est fait pour oublier la mort, voilà que celle-ci nous rattrape avec un virus minuscule (1 million de fois plus petit qu’un grain de sable) qui fait trembler la terre entière. Depuis, nous n’avons plus, semble-t-il, qu’une seule idée en tête: chasser cette mort que nous ne saurions voir. La mort, en effet, effraie l’homme moderne car pour la majorité de nos contemporains l’existence s’arrête avec celle-ci. L’éternité a disparu de nos préoccupations…
Nous-mêmes, chrétiens, où en sommes-nous par rapport à cette vie qui nous attend? Dans l’Évangile, la vie éternelle est affichée comme une vérité absolue. Son existence y est même proclamée à quarante-quatre reprises! Et pourtant, ne vivons-nous pas en ce monde comme si nous ne devions jamais le quitter? Sommes-nous vraiment convaincus qu’il y a une vie après la vie? Ne disons-nous pas plutôt que «après tout, on verra bien», que «de toutes façons, on ne sait pas ce qu’il y a après» et que, «d’ailleurs, on ne peut pas le savoir parce que, comme on l’entend souvent dire, personne n’en n’est jamais revenu»! Mais voilà, justement, certains semblent bien l’avoir fait!
Une ouverture sur la Vie
Des signes de cette réalité invisible nous sont aujourd’hui donnés. Des personnes considérées comme mortes (en état de mort clinique, avec arrêt du pouls et de la respiration) témoignent avoir vécu une expérience inoubliable qui les a comme happées vers un ailleurs, un au-delà qui ne fait pas partie des catégories matérielles dans lesquelles nous sommes enfermés aujourd’hui. Revenues à la vie, elles ne voient plus leur existence de la même façon.
Elles racontent, quand elles se sentent en confiance, s’être retrouvées dans un autre monde, un monde magnifique, hors de notre temps et de notre espace, qu’il leur a fallu quitter pour revenir sur terre… Cet aller-retour est inscrit en elles. Assurées qu’il y a une vie après la mort, elles retrouvent un fort regain de vie, réactivent leur spiritualité, envisagent la vie comme sacrée et considèrent la mort comme en faisant partie, comme un simple passage. Aussi disent-elles ne plus avoir peur de la mort!
Parce que ceux qui ont vécu cette expérience ont été confrontés à une vie qu’ils reconnaissent dans l’au-delà, celle qui nous attend, nous pourrions, tout en gardant l’acronyme EMI d’usage, parler plutôt d’expériences de Vie imminente.[2]
Comment se déroule une EMI?
Les EMI sont universelles. Elles concernent les hommes et les femmes de tous les temps, de toutes croyances, de tous niveaux d’instruction, de toutes cultures et milieux socioculturels, de tous âges enfin. Elles ne sont pas du tout exceptionnelles et bien plus fréquentes qu’on l’imagine, même si elles ne surviennent que dans 12 à 18% des cas de mort clinique (brutale ou non). Il n’y a rien de systématique et on ne sait pas pourquoi cela arrive chez certains et pas chez d’autres.
Il s’agit d’un ensemble de visions et de sensations parfaitement «mémorisées» par des patients se trouvant en mort clinique ou dans un coma avancé. Elles se caractérisent par une succession de phases spécifiques bien identifiées et en général reproduites d’un patient à l’autre. Mais tous les expérienceurs ne vivent pas l’ensemble de ces phases.
1. Décorporation ou Out Body Experience. Alors que la personne est objectivement en arrêt cardio-vasculaire -dans l’ambulance à la suite d’un accident ou sur une table d’opération, ou encore plongée dans le coma- elle a soudain l’impression, subjective, de « sortir hors de son corps », de flotter au-dessus de lui ou d’être collée au plafond de la pièce. C’est assez fréquent -à la limite même banal- et possible en dehors d’une EMI. Les sujets peuvent décrire à l’équipe chirurgicale toute l’opération pratiquée sur leur corps «en vue plongeante». Ils entendent les paroles échangées et parfois, ce qui va plus loin, captent par télépathie les pensées et émotions du personnel présent (ce qui a été vérifié) ou encore des bribes de discussions dans des pièces voisines.
2. Changement d’état du corps. La conscience et la lucidité de l’expérienceur se trouvent renforcées, avec des émotions et des sentiments intenses, généralement positifs (mais pas toujours). Il lui semble n’avoir plus de corps matériel, lourd, compact, opaque. Ce qui est plus surprenant, c’est que la personne mourante peut prendre de la distance, traverser les murs, s’éloigner dans l’espace, observer le monde sous tous les angles, à 360°, percevoir la scène simultanément depuis plusieurs points de vue. Elle peut parfois voir des détails très précis d’objets éloignés.
3. Traversée d’un tunnel. Dans un cas sur trois, le sujet raconte avoir été comme aspiré à grande vitesse à l’intérieur d’un «long tunnel» débouchant dans un lieu inconnu, «non terrestre». L’expérienceur peut rapporter avoir été emporté dans un «paysage d’une saisissante splendeur, d’une indescriptible beauté, où il a entendu une musique magnifique ne ressemblant à rien de ce qu’il a connu sur terre… Au bout de ce tunnel, dans les deux tiers des cas, il perçoit une «lumière blanche», très attirante, éclatante, dorée, aussi brillante «qu’un million de soleils», mais pas du tout aveuglante. Il décrit ce qu’il perçoit comme étant un autre univers, céleste, spirituel.
4. Rencontre d’autres êtres. Là, la rencontre d’une figure spirituelle, un «ange», est possible. Mais le plus souvent, c’est un proche décédé, reconnaissable, qui l'accueille, avec une infinie bienveillance, puis le renvoie en lui disant que son heure n’est pas encore venue. Il ne s’agit pas d’un «pur esprit», mais d’un être doté d’un «corps spirituel».
Un amour ineffable
5. Rencontre avec un «Être de lumière». À un niveau de plus, certains racontent s’être retrouvés devant une personne rayonnante de lumière. Le plus impressionnant pour eux, c’est que cet être «dégage un amour ineffable», universel et personnel à la fois. Les chrétiens le désignent comme étant Dieu ou le Christ, les autres ne lui donnent pas de nom mais restent simplement subjugués par l’amour qui émane de lui. Quoi qu’il en soit, ces expérienceurs se sont sentis aimés comme jamais auparavant.
6. Revue de vie. Souvent le mourant peut «percevoir le film de son existence passée» en un seul coup d’œil. L’Être de lumière semble tout connaître de lui, posant la question: «Qu’as-tu fait de ta vie?» avec beaucoup de tendresse, sans blâme, sans reproche, sans culpabilisation, mais avec, en même temps, toute l’exigence de l’amour. Il n’y a pas de jugement. C’est le sujet qui comprend en quoi il a bien ou mal agi, qui fait la vérité sur lui-même, ressentant tout le mal ou tout le bien qu’il a fait aux autres «comme s’ils se l’étaient fait à eux-mêmes».
7. Sentiment de paix et de tranquillité. L’état de sérénité qui s’en dégage, généralement ressenti avec une conscience et une lucidité renforcées, est très profond, dépassant tout ce que le sujet a pu connaître sur terre.
8. Retour dans le corps humain. Enfin, à un moment donné, la personne est confrontée à une limite ou à une barrière «car l’heure n’est pas encore venue». Elle revient non sans mal dans son corps, «comme une main qui se glisserait dans un gant trop étroit». La réintégration dans le «monde des vivants» se fait à contrecœur, avec souvent la notion d’une tâche à terminer. Par la suite, la plupart du temps, la personne n’ose pas en parler à son médecin ou à ses proches, de peur de paraître farfelue, illuminée, ce qui la laisse insatisfaite.
9. Effets. On ne revient pas indemne d’une telle expérience qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Ceux qui l’ont faite en reviennent bouleversés, marqués pour toujours, et la qualifient volontiers comme «la plus importante de leur vie». Ils parlent souvent d’une «nouvelle naissance». À noter que certains expérienceurs reviennent guéris!
À ce stade, on pourrait se dire: «Tout va bien! Si on va tous comme ça directement au Paradis, génial, il n’y a pas de souci.» Ce n’est malheureusement pas le cas. En effet, dans 2 à 3 % des cas, les expérienceurs rapportent des expériences difficiles, désagréables, se traduisant par des visions de flammes ou d’eaux sombres, des odeurs pestilentielles, des bruits épouvantables, avec des aspects angoissants (souffrances, cris, hurlements, néant, vide). Ils parlent spontanément d’Enfer. On pourrait parler d’EMI « négatives », mais il faut plutôt les appeler «EMI effrayantes» ou «terrifiantes». Les sujets en reviennent avec la conscience qu’ils doivent changer quelque chose dans leurs priorités pour ne pas revivre la même expérience après leur mort.
Est-ce sérieux?
Que penser de tout cela? La réponse est compliquée : on est aux frontières de la vie et de la mort, du visible et de l’invisible, entre le matériel et l’immatériel, le physiologique et le spirituel… en sachant qu’il y a intrication. De plus, chaque expérience est personnelle et pas du tout écrite à l’avance.
Une chose semble sûre: la mort est un passage durant lequel beaucoup de choses qui nous dépassent peuvent se dérouler! Les scientistes ne peuvent pas accepter cette possibilité, car dire que la conscience continue à subsister une fois que le cerveau se retrouve à l’arrêt (EEG plat), c’est admettre qu’il y a une dimension de l’être qui échappe à la stricte matière et aux connexions neuronales. Des scientifiques plus audacieux proposent la notion de «continuité de la conscience » indépendamment de l’activité cérébrale, le cerveau étant dans ce cas considéré comme un émetteur-récepteur par rapport à une « conscience supra-matérielle».
On ne prouvera pas les EMI par la science. Elles ne peuvent se comprendre que dans le cadre de l’anthropologie chrétienne qui reconnaît que l’humain est indissociablement corps et âme. Les EMI apportent cette confirmation que l’âme humaine est habitée au plus profond par une autre dimension qui peut la faire accéder à une autre réalité. L’âme est aussi spirituelle, reliée à Dieu, appelée à la vie éternelle, et donc immortelle, gardant en elle l’empreinte de son corps qui ressuscitera un jour.
Certes, les chrétiens n’ont pas besoin des EMI pour croire, pas plus que des miracles actuels. Les Écritures et toute la Tradition chrétienne suffisent amplement. Néanmoins il serait dommage de ne pas prendre en considération ces faits qui sont des signes actuels qui viennent corroborer ce qui est exprimé dans le Credo. D’ailleurs, si on s’appuie sur les fruits humains et spirituels qui découlent de tels faits en tant que principe fondamental de discernement, je peux témoigner que les expérienceurs, comme les miraculés que j’ai connus, irradient dans la plupart des cas une grande paix, de par une vision bien moins matérialiste de l’existence et une profonde transformation intérieure.
[1] Sous-titre du premier livre de l’auteur sur le sujet. (n.d.l.r.)
[2] Du titre du deuxième ouvrage de l’auteur sur le sujet. (n.d.l.r.)