Comment les personnes qui viennent à la rencontre du Père Emonet sj pour un accompagnement spirituel évoquent-ils le doute? Peinent-ils à l'évoquer? Et que cache le doute? «Dans le domaine religieux, le premier doute est celui lié à Dieu», note le jésuite. «Personne ne l'a jamais vu» (...) «Ce qui vient quelque peu atténuer le doute, c'est la personnalité et l'enseignement de Jésus Christ. Et moi, qui accompagne des hommes et des femmes dans la recherche de leur chemin de foi et de leur relation à Dieu, je suis continuellement interrogé par ce doute. Quand ils me demandent de les aider, que puis-je faire? Peu de choses. Je peux les mettre en garde contre leurs lubies, leurs fantasmes, une subjectivité ou un narcissisme qui serait de mauvais aloi. Mais je ne peux pas leur transmettre des convictions solides, aussi évidente que la réalité du Cervin.»
La question du doute émerge-t-elle rapidement lors des accompagnement spirituels? «Une personne en accompagnement cherche avant tout à prendre une bonne décision, à comprendre ce qu'elle doit faire dans l'un ou l'autre domaine: vocation, professionnel, familial.... À ce moment-là, oui, elle doute. Et on va essayer de chercher ensemble quel est le bon chemin pour elle, celui qui correspond à ce que Dieu a mis en elle quand il l'a créée. Mais même après ce travail de recherche, nous n'avons pas de certitude que le chemin esquissé soit le bon!»
Accordez-vous autant de place au doute qu'à la raison? N'est-il pas sain de raisonner pour contrebalancer le doute? «Une décision d'ordre existentielle n'est pas nécessairement rationnelle, mais elle doit être raisonnable. Une décision qui concerne une orientation de vie est une décision globale qui suppose une certaine foi, une confiance. On sort alors de la raison rationnelle et contraignante. Lorsque que je dis, "je veux entrer au couvent" c'est: raisonnable; on me le conseille peut-être; c'est sans doute plausible et possible; mais ce n'est pas contraignant à l'image d'une règle mathématique qui dit que deux et deux font quatre. Il reste toujours un doute. Et dans ce doute se trouve l'espace de la confiance.»
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Doute et foi
On peut se demander si le doute est un danger pour la foi? «La foi est la confiance en la Parole, celle du Christ et de Dieu. SI je ne mets pas en doute la force de la parole de Dieu, je peux douter de ma compréhension de cette Parole ou de ma relation à Dieu», note encore le directeur de choisir. Qui poursuit: «Je suis toujours mal à l’aise avec ceux qui affirment des convictions religieuses comme s'il n'y avait aucun doute à avoir, et je crains que cela démontre surtout une crispation idéologique peu réaliste et peu humaine.»
La tradition chrétienne met pourtant en avant des profils de personnes qui ne doutent pas... Le Christ dit notamment à Pierre: «Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?» Alors même que des religieuses comme Mère Thérésa confessent à la fin de leur vie avoir toujours douté... Que cela révèle-t-il? «Vous évoquez Mère Thérésa, mais il y a aussi Thérèse de l'Enfant-Jésus qui, sœur carmélite fervente depuis son plus jeune âge, termine sa vie dans l'obscurité la plus complète, doutant de la bonté et de l'existante même de Dieu. Mais, Thérèse, comme Mère Thérésa et d'autres, est restée fidèle.» (...) «Dans un moment de crise, il s'agit de redéfinir nos choix. C'est précisément dans ces moments où l'on a l’impression que tout fiche le camp, que l'on franchit des seuils et que l'on progresse dans l'existence.»