Quand j’avais 9 ans, je n’avais pas droit à une histoire avant de m’endormir. Ma mère me mettait au lit, éteignait la lumière et retournait au salon regarder la télévision. Couché sous la couverture, j’entendais quelqu’un marcher dans le noir. Un son mat et bref. Une démarche lente. Déterminée. Le plus effrayant, c’est qu’il ne marchait pas sur le tapis. Il ne cheminait pas dans ma chambre. Non! C’était dans mon oreiller. Qui pouvait bien avancer avec une telle détermination? Une telle colère froide? J’étais terrifié. Et plus j’avais peur, plus le sadique accélérait. Qu’avait-il dans la main? Avec quel couteau comptait-il me faire mal? Je me tournais et me retournais dans mon lit. Mais rien à faire: il marchait vers moi.
À douze ans, mon frère rentre à la maison avec un 45 tours de Michel Sardou: Les lacs du Connemara. Bof. Il installe le disque sur la platine et là, il se passe quelque chose en moi. Le bruit du vent, la cornemuse, le ton grave de Sardou, les violons tragiques, les chœurs me transportent. Puis tout s’arrête et lentement la cornemuse monte et envahit l’espace. La grosse caisse donne envie de marcher au pas. C’est un hymne!
Eugène Meiltz, de son nom de baptême, est un écrivain vaudois, parolier et animateur d’ateliers d’écriture.
« Nous sommes en pleine nuit. Les moratoriums sont fermés. ‹Pas en Suisse›, dit Runciter avec un sourire grimaçant. En tant que propriétaire du Moratorium des Frères Bien Aimés, Herbert Schönheit von Vogelsang, bien sûr, venait toujours travailler avant ses employés. (…) Herbert appuya sur une série de touches de commande puis s’écarta.
Depuis 2015, Eugène est un chroniqueur régulier de choisir. Sous ce simple pseudonyme, on reconnaîtra Eugène Meiltz, auteur notamment de La Mort à vivre, illustrations Pierre-Alain Bertola, Genève, (La Joie de Lire 1999, 190 p.) et animateur d’ateliers d’écriture.
En novembre 2019, choisir fêtait ses 60 ans dans l'espace feutré de la Société de lecture de Genève. L'occasion pour une dizaine d'écrivains de venir lire à haute voix l'un de leurs textes édités dans la revue devant une assemblée d'invités heureux et conquis. À l'image d'Eugène qui a lu la présente chronique Fous, mais pas cinglés, parue in choisir n°684 juillet-août-septembre 2017, consacrée aux extrêmes. Enregistrée en live, nous vous proposons de l'écouter ci-dessous:
Bleu azur, mauve délicat, orange crème, noir velours : les iris s’étirent vers le ciel avec la fierté de milliers de paons. Comme chaque année, le Jardin des iris du Château de Vullierens est un enchantement. Je déambule parmi les couleurs, comme dans le film Dreams de Kurosawa (1990), dans lequel un amoureux de Van Gogh plonge dans un paysage à l’huile. Mais les visiteurs sont encore plus extraordinaires que les fleurs. Là, un vieux monsieur s’agenouille devant un iris grenat pour le photographier en très gros plan à l’aide d’un énorme appareil photo; plus loin, une jeune fille s’accroupit pour attraper un iris turquoise dans l’écran de son smartphone. Des centaines de personnes courbées en train d’immortaliser les pétales ourlés : heureux pays que celui où ses habitants s’agenouillent devant la nature!