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jeudi, 04 juin 2015 14:46

Rencontre avec Jody Williams : non aux robots-tueurs !

swords war armed robotCet article a été publié par le « Courrier pastoral » de mai 2015, de l'Eglise de Genève, et est reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteure.

Née en 1950 dans le Vermont (Usa), Jody Williams est une professeure américaine et militante. En 1997, elle a reçu le prix Nobel de la paix pour son engagement dans la Campagne pour l'interdiction des mines antipersonnel, vaste réseau d’ONG, et l’adoption de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel (aussi appelée Traité d'Ottawa) qui interdit l'acquisition, la production, le stockage et l'utilisation des mines antipersonnel qui est entrée en vigueur en 1999. En avril elle était à Genève pour son nouveau combat contre les robots-tueurs. Interview.

Après avoir mené avec succès une bataille planétaire contre les mines antipersonnel, vous êtes aujourd’hui en «guerre» contre les robots-tueurs. Parlez-nous de ce combat.

"Il y a quelques années, je travaillais à un article sur l'armée américaine, la CIA, les mercenaires et l'utilisation de drones et j'ai reçu des informations sur les recherches en cours sur ces nouvelles armes complètement autonomes. Il ne faut pas les confondre avec les drones, qui sont déjà utilisés. Les drones peuvent en effet voler de façon autonome, mais ils dépendent d'un être humain qui les suit sur un écran et les guide. C’est lui qui à distance choisit la cible et décider de frapper. La décision finale reste humaine. Avec les robots-tueurs, le facteur humain disparaît des étapes de ciblage et de la décision de tuer. En découvrant ces recherches, j'étais horrifiée et nous avons commencé à discuter d'une campagne pour arrêter les robots tueurs. La campagne a été lancée en avril 2013, à Londres. Avec un premier succès : une année après la Convention des Nations Unies sur certaines armes classiques (Cww) accueillait quatre jours de discussions informelles pour aborder la question. La deuxième réunion, toujours informelle, est en cours maintenant (avril 2015, Ndr). Nous souhaitons que l'année prochaine les discussions deviennent formelles avec pour objectif de se diriger vers un Protocole qui interdise les robots tueurs, ces systèmes d'armes robotisés capables d'identifier et de tirer sur des cibles sans autre intervention humaine."

Quels sont les raisons à l'origine de cette nouvelle campagne ?

"Je crois profondément que l'utilisation de ces armes franchirait une ligne morale et éthique qui ne doit pas être franchie. Je crois qu’il y a quelque chose de fondamentalement mauvais de penser que c'est "ok" de construire des armes que d'elles-mêmes peuvent viser et tuer des êtres humains."

Quelle est la position des différent pays ?

"Pendant les débats sur ces robots-tueurs de nombreux États ont parlé de la nécessité d'un contrôle humain significatif, certains ont clairement soutenu la nécessité d'une interdiction, d'autres ont souligné la nécessité d'aborder les questions liées au respect du droit international humanitaire. Mais des pays comme le mien, les Etats-Unis, mais aussi le Royaume-Uni par exemple, ont soutenu qu'il prématuré d'aller plus loin que des discussions informelles. En réalité ils savent bien que pendant que les discussions informelles se déroulent, ils peuvent continuer la recherche et le développement de ces armes. Notre objectif est au contraire de mettre fin aux recherches avant que ces armes ne soient jamais utilisées. Parmi les autres arguments, celui de dire que c'est "inévitable" de sorte à décourager des gens en leur faisant croire qu'ils n'ont pas le pouvoir changer les choses, ou de dire qu'il s'agit de systèmes "complexes" et qu'il faut du temps pour comprendre. C'est encore un piège. Je ne suis pas une physicienne nucléaire mais cela ne m'empêche pas de savoir au plus profond de moi-même que les armes nucléaires sont illégales et moralement corrompues."

Parmi les positions exprimées, celle du Vatican est assez claire

"Oui est c'est important. De plus, il y a eu une déclaration interreligieuse appelant à une interdiction préventive de ces armes."

Et quel est votre rapport à la religion ?

"Ma maman est très catholique et prie, mais moi j'ai quitté l'Eglise à 17 ans, quand j'ai commencé à poser aux prêtres des questions auxquelles ils ne pouvaient pas répondre. Par contre je souhaiterai vraiment rencontrer le pape François, il est fascinant !"

Propos recueillis par Silvana Bassetti

La question des robots vous interpelle ? Découvrez l’article du psychiatre Serge Tisseron, « Des robots et des hommes » dans la revue choisir de mai 2015. Pour commander le numéro :

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