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mardi, 06 septembre 2011 12:00

Eglise : oser transgresser

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« L'Eglise a besoin de désirants. » Ces mots de Mgr Albert Rouet, ancien archevêque de Poitiers, donnent à réfléchir. Etre habités par une grande espérance pour l'Eglise devrait être la passion de tous les chrétiens. Mais la déception poursuit son travail destructeur, notamment dans les jeunes générations, malgré des efforts tels que les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) ou des assemblées plus locales comme « Prier et Témoigner ».

Les démonstrations de masse sont trompeuses, spectaculaires mais superficielles. Combien de jeunes, y compris parmi les participants des JMJ de Madrid tout récemment, retrouveront-ils le chemin de la messe dominicale en paroisse ou se presseront-ils dans les confessionnaux, en dépit de la « démonstration » de Benoît XVI lors du même événement ? En Espagne, un jeune catholique sur deux se dit non-pratiquant. Les grandioses JMJ de Paris (1997) n'ont en rien freiné l'érosion de la pratique religieuse en France et dans nos régions. Car le témoignage de l'Eglise n'est pas une déclaration publicitaire. Il manifeste son désir d'amour de l'humanité et sa capacité d'attention aux détresses du monde. «Il ne suffit pas que l'Eglise soit organisée, qu'elle marche bien, précise encore Albert Rouet. Ces réalités peuvent n'être que de somptueux tombeaux.»[1] La foi chrétienne se meurt quand elle dilapide son bien propre : l'intimité avec le Christ, la proximité avec le peuple de Dieu.

Par ailleurs, notre société fragilise l'évangélisation et favorise les replis intégristes. Gare au théologien critique ! José Antonio Pagola, prêtre et théologien espagnol, contraint de retirer du marché la traduction italienne d'une étude sur Jésus froissant la nouvelle « Inquisition », avait osé écrire : « Plus on connaît Jésus, plus on se sent déçu par l'Eglise. »[2] Le propos est rugueux. Il n'est pas faux. L'Eglise a besoin de retourner à Jésus pour inspirer son avenir, quitte à transgresser des certitudes ou des rites multiséculaires. Le catholicisme romain, en particulier, se doit de retrouver l'humilité et le courage de Jésus. Quand il s'assied à la table des pharisiens, au grand scandale des « âmes pieuses », lorsqu'il élève le bon Samaritain - un pestiféré selon la Loi de Jérusalem - au rang de croyant exemplaire, le Christ donne la preuve de son désir de rendre à la Loi religieuse sa légitimité, qui est de conduire l'humanité à l'intimité de son Créateur. L'Eglise est en pèlerinage permanent. Le ritualisme alourdit son héritage et les divisions internes freinent son dynamisme.

Dès lors, préférer le comportement de Jésus à des traditions ecclésiales conjoncturelles, « oser » ouvrir le débat sur la responsabilité des laïcs et particulièrement des femmes dans nos communautés, ou encore prendre en compte la religiosité contemporaine, qui peut aller jusqu'à plaider pour une spiritualité sans Dieu, ces « audaces », loin de mettre en péril l'avenir du christianisme, fondent les bases de sa mission actuelle, tout au moins en Occident. [3] L'an prochain, nous célébrerons le 50e anniversaire du concile Vatican II, qui s'est ouvert le 11 octobre 1962 en suscitant une immense espérance de renouveau ecclésial et de relation entre l'Eglise et le monde. Nombre de catholiques « intransigeants » tentent aujourd'hui d'en relativiser les visions novatrices. Ils s'obstinent à vouloir transformer l'Eglise en contre-société, une absurdité non seulement en contradiction avec l'esprit conciliaire, mais avec la substance de l'Evangile : « Jésus aima les siens qui étaient de ce monde et les aima jusqu'à l'extrême » (Jn 13,1). -Aujourd'hui, dans nos régions sécularisées, la religion n'est plus un héritage, mais un choix. Nos contemporains s'approvisionnent souvent hors des canaux traditionnels. Inutile de se lamenter. Ecoutons plutôt les attentes spirituelles de notre temps. Réanimons le désir de « séduire ». L'espoir fait vivre et la séduction n'est pas forcément un péché ! Le prophète en témoigne (Jr 20,7) : « Tu m'as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire ; tu m'as maîtrisé, tu as été le plus fort. »

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