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mardi, 03 décembre 2013 15:20

Noël, la violence exorcisée

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« Paix sur la terre », chantaient les anges dans le ciel de Palestine. Le nouveau-né de la crèche en était le gage. Une longue histoire tissée de violences et de guerres le précédait, dont les malheurs avaient aiguisé l’espoir d’une paix durable. Le prophète l’avait laissé entendre: un jour viendra où, sous la conduite de l’enfant, le loup habitera avec l’agneau, et le lion comme le bœuf mangera du fourrage (Is 11,6-9). L’irréconciliable sera réconcilié.

Un trait de lumière dans la nuit des hommes, grande fête dans le Ciel et sur la Terre : la violence est neutralisée, celle surtout qui vient du Ciel. L’enfant relaie le Dieu des armées, au nom duquel des peuples ont été dépouillés ou passés au fil de l’épée. Véritable sourire de Dieu, il parle de bienveillance, de patience, de pardon, de miséricorde et prend sur lui toute la violence du monde, au risque d’être emporté par elle. Dans la crèche se profile déjà la croix, somme de toute la méchanceté du monde, symbole de la faiblesse de Dieu.

Dans le ciel de Palestine, aujourd’hui, sifflent les roquettes du Hamas et les oiseaux de proie de Tsahal[1] sèment la mort. A Bethlehem, pour contempler le berceau du Prince de la Paix, les anges doivent voler plus haut que le mur de la honte. En Israël, en Egypte, en Tunisie, les ambitions politiques et le fanatisme religieux compromettent les libertés démocratiques à peine retrouvées, et les intégristes de tout poil s’entredéchirent, persuadés que le Ciel cautionne leur violence.

Les chrétiens auraient tort de trop vite s’en scandaliser. Ils ont derrière eux une longue histoire de violence. Les promesses de paix de la nuit de Noël ont vite été oubliées. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que les disciples de Jésus interdisent de parole ceux qui n’appartenaient pas à leur groupe, ou menacent du feu du Ciel les voisins qui leur refusaient l’hospitalité (Lc 9,49-56). Durant des siècles, le message de paix du Christ a été imposé par le fer et le feu : guerres de religion, croisades, chasses aux sorcières, bûchers, procédures inquisitoriales ont lésé les droits essentiels de l’homme, en rythmant l’annonce de l’Evangile avec une violence qui n’avait rien à voir avec l’esprit du Maître.

Une religion, quelle qu’elle soit, recèle un ferment de violence dès qu’elle ambitionne d’occuper l’espace public pour le structurer au nom de Dieu. Interprète de la volonté divine, elle ne peut être qu’absolue et exclure tout compromis, jusqu’à trouver son suprême accomplissement dans le sacrifice, la destruction de la vie. Les Anciens ne disaient-ils pas que les dieux sont jaloux ? Redoutable métaphore qui autorise toute violence, caution offerte aux fanatiques qui aspirent à se concilier les bonnes grâces du Paradis en éliminant ou en contraignant ceux et celles qui ne partagent pas leur foi. A vouloir trop satisfaire le Ciel et son sourcilleux locataire, on en vient à instrumentaliser l’homme.

Mais Dieu a quitté son Ciel pour rejoindre les hommes jusque dans leur plus profonde faiblesse (Ph 2,6-11). Loin de les surplomber, toute violence religieuse désamorcée, il parle et agit à partir de leur faiblesse. Aux hommes, désormais, d’en prendre soin et de le protéger. Dans la synagogue de Capharnaüm, d’un geste provocateur, Jésus a déplacé le point de mire du culte. A l’endroit où traditionnellement se trouvait la Loi, au centre de l’assemblée croyante, il a installé l’homme blessé (Mc 3,1-6). Celui que la religion maintenait dans son infirmité est devenu la référence d’un nouveau comportement religieux : tout ce qu’on lui fera ou qu’on lui refusera sera fait ou refusé à Dieu. Le service de l’homme devient service divin, et le seul absolu « religieux », l’engagement pour que le prochain vive.

 

1 • Forces armées de l’Etat d’Israël. (n.d.l.r.)

 

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