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mardi, 24 mars 2020 11:23

Quand la peur nous dévisage

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Détail du groupe de statues en terre cuite de la "Lamentation sur le Christ mort" de Niccolo dell’ Arca (1460-1494), église Santa Maria della Vita (Bologne) © Philippe Lissac/GodongNous vivons une époque anxiogène, traversée de grandes peurs collectives: dangers climatiques, surpopulation mondiale, nouvelles épidémies (celle du coronavirus faisant office de dernière née), exodes migratoires, brutalités urbaines, complots de toutes sortes, transhumanisme et intelligence artificielle... Face au danger, deux réactions sont courantes: l’évitement, qui peut se traduire en déni ou je-m’en-foutisme, ou la riposte. Si cela se révèle souvent opportun sur le plan individuel, c’est rarement le cas au niveau politique.

Le sentiment d’impuissance induit par la mondialisation et la complexité de nos organisations sociales mène nombre de citoyens et d’institutions étatiques à prendre des mesures peu efficaces et surtout discutables du point de vue des droits humains. La tentation du repli sur soi, de la fermeture des frontières pour protéger ses acquis, la santé de son économie et de sa culture, est très tendance. L’«autre» est perçu comme un danger, quand ce n’est pas toute l’espèce humaine qui est accusée de crime envers la vie et la Terre. Ce lourd climat affecte particulièrement notre jeunesse, qui en vient à interroger son désir d’enfants, taxé d’égoïste et d’inconscient.

Associée au Festival Histoire et Cité de la Maison de l’Histoire de Genève, dont le thème cette année est La Peur, notre revue a plongé dans ces eaux troubles. Avec cette épineuse question: comment aborder ce dossier sans renforcer stérilement toutes ces angoisses? En pointant tout d’abord les mécanismes physiologiques qui les induisent et les processus psychosociaux qui les alimentent, pour mieux distinguer entre risques objectifs et ressentis.

La deuxième étape, autrement plus ardue, est de rechercher des solutions justes aux problèmes qui déclenchent nos peurs. La justice au service du bien commun (qui commence par notre village, mais le dépasse largement) et, pour les chrétiens, l’espérance nourrie par la confiance en Dieu sont des critères incontournables pour guider nos actions. C’est le sens des appels du pape François à la conversion écologique et culturelle. C’est aussi celui de l’Appel de Rome pour une éthique de l’intelligence artificielle[2], un outil au potentiel énorme, mais qui peut nous asservir si nous ne gardons un œil critique sur lui. Car au final, tout comme la peur du migrant ou de la catastrophe climatique, celle de l’IA nous renvoie tous, douloureusement, à cette interrogation: qu’est-ce qu’être humain?

Découvrez ici le sommaire du n° 695.

[2] Une réunion sur ce thème a été organisée par l’Académie pontificale pour la vie du 26 au 28 février 2020. Cf. Une éthique algorithmique.

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