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mardi, 14 janvier 2020 08:11

La vertu au tribunal

Écrit par

JJK manifEn 2017, 750 personnes ont été condamnées en Suisse pour délit de solidarité et les poursuites pénales se multiplient contre les personnes qui viennent en aide à ceux et celles qui sont dans la détresse. Les requérants d’asile qui ont reçu une décision négative ou une non-entrée en matière et qui doivent quitter le territoire national ont bien droit à une aide d’urgence jusqu’à leur départ…  à condition d’en payer le prix fort en renonçant à l’accès à la formation, à l’intégration, au marché du travail, en un mot à une vie digne. Résultat de la négociation: repoussés dans les marges, nombre de requérants entrent en clandestinité, et les personnes qui leur offrent une aide désintéressée sont condamnées.

Bien qu’acceptée par une majorité légitimement élue, une loi contraire au droit naturel, à la Déclaration des droits de l’homme et aux valeurs de la Constitution ne saurait être contraignante. Parce que la justice l’emporte sur la loi, l’assistance aux personnes en détresse est plus décisive que l’ordre légal, et les dispositions du législateur s’arrêtent au seuil de la conscience, personnelle ou commune, orientée vers le bien commun. Les procès de Nuremberg ont exclu tout doute: il en va de la dignité et de la liberté d’une personne.

Réagissant par un communiqué de presse (5.11.2019), les évêques suisses ont fait un pas de plus en déplaçant le délit de solidarité du terrain légal sur celui de la morale: « Peu importe le statut de résidence des personnes qui demandent de l’aide, l’action de l’Église est orientée vers la situation d’urgence concrète, dans laquelle se trouvent ceux qui cherchent de l’aide, et non vers leur statut légal de séjour.» Du coup, l’objection de conscience et la désobéissance civile entrent dans le champ de l’éthique sociale, n’en déplaise à ceux qui y voient une trahison des institutions publiques.

Si aujourd’hui les noms du pasteur Norbert Valley et d’Anni Lanz viennent allonger la liste des coupables, d’autres condamnés sont proposés comme des héros. En 2018, une Salle Carl Lutz a été inaugurée au Palais fédéral à Berne pour célébrer les mérites du diplomate suisse, censuré pour avoir monté une vaste opération «illégale» de sauvetage de 62’000 juifs durant la guerre. En Suisse et à l’étranger dans plusieurs villes, des places et des institutions portent le nom de Paul Grüninger. Ce commandant de la police saint-galloise lourdement condamné en 1940 pour avoir aidé quelque 3600 juifs à échapper à la déportation ne fut pleinement réhabilité qu’en 1996, cinquante ans après sa mort. Étrange retournement du législateur qui honore les prophètes après les avoir exécutés! L’enjeu mérite réflexion, et choisir propose un dossier sur la question.

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