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mardi, 10 juillet 2007 02:00

La balle est dans notre camp

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L'Euro 2008, c'est fini ! Place au Jeux olympiques de Pékin. A tous ceux qui prédisaient le pire, les supporters ont montré qu'ils étaient capables du mieux : la fête s'est bien déroulée, sans violence. Il est de bon ton chez certains intellectuels de dénigrer l'engouement pour le sport depuis qu'il s'est démocratisé, qu'il a quitté l'exclusivité des collèges et des universités, pour se répandre au milieu du peuple. Le regard se fait plus ou moins critique selon la discipline sportive : réservé en ce qui concerne le golf et le tennis, jugés plus fins et plus nobles, plus dur vis-à-vis du foot, sport populaire par excellence, qui incarne un certain mythe de la virilité. Les explosions de joie du public, les étreintes puissantes assorties de grimaces suggestives des joueurs lors d'un beau but font certes un peu « primitives ». C'est là que réside justement leur bienfait : canaliser positivement notre énergie. Laisser le corps s'exprimer, se lâcher, sentir s'écouler le flux de la vie, quelle ivresse !

Quand les sportifs et les médias utilisent un vocabulaire de combattant, parlant de « rage de vaincre » ou d'« exultation face à la victoire », ils ne font pas que de simples effets de style. Ils mettent en mots un ressenti de conquérant archaïque bien réel. Le début des joutes « sportives » remonterait à l'Egypte ancienne : en 2500 av. J.-C., les soldats pratiquaient déjà des exercices de lutte et de combats de bâton. La définition du mot sport dans le Larousse l'indique bien : « Activité physique exercée dans le sens du jeu, de la compétition, de la lutte et visant à améliorer sa condition physique. »

On raccroche, avec raison, toutes sortes de calamités au sport aujourd'hui, en particulier au sport d'élite : hooliganisme, montée des nationalismes, récupération politique (la présence de hauts représentants politiques lors des matchs de l'Euro et les appels au boycott des JO [1] sont révélateurs), affairisme et indécences économiques, dopage et transgressions des limites corporelles. Choisir a pris le parti de souligner aussi les aspects positifs de la pratique sportive. Il est juste de mettre en exergue son côté « compétition », mais on oublie trop souvent l'un de ses autres visages, le « sens du jeu ». Ouvrons à nouveau le Larousse : « Jeu : activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant aucune fin utilitaire et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirant un plaisir » ou encore « activité de loisir soumise à des règles conventionnelles, comportant gagnant(s) et perdant(s) et où interviennent, de façon variable, les qualités physiques ou intellectuelles, l'adresse, l'habileté, et le hasard. » La gratuité, le plaisir et la surprise sont donc au coeur du jeu, dont le déroulement n'est jamais écrit à l'avance (les buts marqués lors des cinq dernières minutes de certains matchs de l'Euro 2008 l'ont démontré avec brio !). Dans le jeu, la liberté créatrice de l'homme s'exprime, le renvoyant à celle de son Créateur. [2]

Plusieurs articles de ce numéro montrent comment le jeu et le sport permettent la construction de l'individu par l'assimilation de valeurs éducatives jugées essentielles, comme le goût de l'effort et de la difficulté, le sens de la consigne, l'esprit d'initiative, le respect des autres, le contrôle de soi. Rien d'étonnant à ce que des hommes d'Eglises aient depuis le début favorisé le développement du sport et que le Magistère valorise sa pratique.[3] Si le jeu développe les aptitudes individuelles, il enseigne aussi à vivre en collectif, au sein de la «communauté humaine», car au coeur du jeu, il y a la relation et ses règles. Avec soi-même et avec les autres. En ce sens, les valeurs et disfonctionnements que livre le sport reflètent celles de l'ensemble de la société. Pas une de ses déviances ne lui est propre. Ce miroir est tour à tour exaltant et dérangeant, illuminé de lumière ou plongé dans l'ombre. Véritable laboratoire de la société, le monde du sport mérite notre attention ; et nos efforts pour lui rendre sa noblesse et sa plus belle raison d'être : la gratuité. A nos vélos !

1 - Cf. Denis Müller, Boycotter Pékin, pp. 22-25 de ce numéro.

2 - Cf. François Euvé, Le grand jeu de la création, pp. 9-12 de ce numéro.

3 - Cf. les articles de Philippe Boitel et François-Xavier Amherdt, pp. 18-21 et 26-28 de ce numéro.

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