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mercredi, 15 juin 2016 14:57

Premier pardon

En tant que vieux prêtre à la retraite, il m’arrive d’être invité à des célébrations du premier pardon. Elles me laissent de plus en plus perplexe. Comment ces enfants sont-ils préparés ? Essaye-t-on de leur donner un tant soit peu le « sens du péché » ? Cette année, par exemple, je me suis trouvé devant un panneau où les enfants avaient inscrit des exemples de péchés. Le premier mot était taper. Je ne me souvins pas des autres, mais il devait y avoir désobéir, dire des vilains mots, etc. Est-ce que ce sont vraiment des péchés ? Un péché, c’est une rupture avec Dieu. Or pas une seule fois il n’a été question de leur relation avec Dieu. « Est-ce que tu aimes le Seigneur ? Est-ce que de temps en temps tu lui parles ? Quand et comment fais-tu ta prière ? » Ce genre de questions figure parmi les abonnés absents ! Pourtant elles sont essentielles. Il s’agit bien d’un Sacrement que ces enfants sont censés célébrer.

Ils se présentent chez le prêtre avec un petit papier sur lequel ils ont écrit deux ou trois mots. Ce bout de papier leur enlève toute spontanéité. Au lieu de se raconter, de raconter leur histoire avec des détails, nous parler de ce qu’ils vivent ! Alors il faut leur poser des questions, essayer d’entamer un dialogue, ce qui prend un peu de temps. Or nous avons la consigne de faire court, parce que nous ne sommes que deux ou trois prêtres pour une quarantaine de gamins.

Ce qui me gène aussi, c’est qu’on doit les recevoir dans le chœur de l’église, au vu et au su de tous les copains, sans discrétion et sans intimité. J’en viens presque à regretter les confessionnaux qui favorisaient au moins une certaine discrétion. Je sais bien qu’il ne faut pas comparer la pastorale actuelle avec ce qu’on faisait « de notre temps » ! Mais on se donnait alors une journée entière de « retraite ». A midi, repas spaghettis où les « confesseurs » venaient manger avec les enfants, pour faire connaissance, s’apprivoiser ! Dans l’après-midi, on installait chacun des prêtres dans une pièce de la cure et les enfants passaient chez celui de leur choix. On se donnait le temps de discuter sérieusement avec chaque enfant.

Je me pose encore une autre question au sujet du sérieux de ces confessions. On entend tellement parler de problèmes dans les écoles, de drogue, de racket, de harcèlement par portables ou réseaux sociaux. Nos braves élèves catholiques en seraient-ils miraculeusement préservés ? En tout cas, jamais je n’ai entendu dans une confession la moindre allusion à un semblable problème, ni comme auteur ni comme victime ni comme témoin. Si au lieu de nous tendre un bout de papier, ils pouvaient parler librement, sans tabou, peut-être que de telles choses sortiraient aussi.

Enfin, au moment de leur donner l’absolution, je leur dis de demander pardon au Seigneur dans leur cœur. « Est-ce que par hasard tu connaîtrais une prière pour demander pardon ? » Mutisme complet ! Je ne demande pas qu’on leur apprenne un rébarbatif acte de contrition d’autrefois, mais des mots tout simples, des mots d’enfants : « Seigneur, je sais que tu m’aimes très fort. Et moi je ne t’aime pas assez. Pardonne-moi. Je te promets de faire un effort pour t’aimer mieux et de refaire la paix si je l’ai cassée. » C’est pas compliqué, mais c’est essentiel.


Abbé Xavier Lingg
Genève

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