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samedi, 31 décembre 2016 16:59

Les selfies vus par "choisir"

promo selfieDessin HerrmannLe premier numéro de la revue choisir de l'année 2017 visite, avec sérieux mais aussi humour, le néologisme selfie.

Le phénomène est né en même temps que Facebook et les réseaux sociaux. En même temps que les smartphones et les caméras embarquées qui facilitent le partage d’ego-portraits. Résultat d’une contraction de self-portrait (autoportrait), élu mot de l’année en 2013 par le Oxford Dictionnary, il est entré dans le Petit Robert en 2015. Le selfie est devenu un geste si populaire qu’il a contaminé tous les milieux et toutes les couches sociales de la planète, des plus populaires aux plus élitistes.

Cette folie de l’autoportrait numérique génère une course à l’image qui dénote une tendance à l’autocentrisme. Certes, mais que seraient les selfies sans le désir d’être relié à d’autres, de casser son propre enfermement, d’être vus par les autres pour se sentir vivants ?

Carlo Strenger, psychanalyste israélo-suisse, est pour sa part plus sévère. Il qualifie le partage des images de soi de Bourse globale du moi. Cette course à la couronne du plus grand Narcisse du monde trouverait sa réponse dans «la peur de l’insignifiance». Ce serait pour apaiser cette angoisse existentielle, que l’on guetterait chaque commentaire sur Facebook, chaque retweet sur Tweeter, chaque cœur sur Instagram. Un peu comme les boulimiques qui se remplissent de nourriture pour combler un vide. Ce symptôme d’une société nombriliste et exhibitionniste rend accro et agit comme une drogue dure dans le cerveau.

Auteur du Bal des ego, Laurent Schmitt, docteur et coordinateur du pôle psychiatrie des hôpitaux de Toulouse, a ainsi expliqué dans L’Express du 10 octobre 2014, pourquoi le selfisme à outrance et l’hypernarcissisme récent sont inquiétants: «Par le passé, les hypernarcissiques étaient moins nombreux, parce qu’ils ne bénéficiaient pas de la réverbération médiatique dont ils jouissent aujourd’hui. Nous sommes passés à une phase d’industrialisation de l’ego. Les émissions de télé-réalité, par exemple, font la promotion des individus, à un degré encore jamais atteint dans l’Histoire. Prenez le concours du meilleur ouvrier de France, établi, lui, sur un modèle à l’ancienne: il se déroule dans l’anonymat le plus absolu! Les notoriétés fulgurantes assurent un pouvoir d’exemplarité très supérieur au modèle classique. Alors qu’hier la renommée découlait d’une réputation intellectuelle, artistique ou scientifique durement acquise, aujourd’hui elle s’allume et se consume en un instant. Les selfies sont un exemple parfait.»

La question des selfies vous intéresse ? Découvrez ici le sommaire de notre numéro.

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