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lundi, 19 août 2019 12:11

Festival de Locarno, une belle présence suisse

O fim do mundo, de Basil Da CunhaO fim do mundo, de Basil Da CunhaLe 72ème Festival de Locarno s’est clôturé, sous la houlette de sa nouvelle directrice française, Lili Hinstin, avec un beau palmarès. Le Jury œcuménique des Églises réformées et catholique de Suisse notamment a décerné son prix à Maternal, de Maura Delpero. Du côté du cinéma helvète, même si aucune récompense n'a été décrochée, quelques perles figuraient dans la sélection présentée à Locarno, tel O fim do mundo, qui concourrait en compétition internationale.

Vitalina Varela, du Portugais Pedro Coasta, et l’actrice du Cap-Vert qui donne son nom au film ont décroché haut la main le Léopard d’or et le prix de la meilleure actrice de l’édition 2019. Le jury international présidé par la cinéaste française Catherine Breillat a par ailleurs décerné un prix spécial à Pa-go, du réalisateur sud-coréen Jung-bum Park, le prix de la mise en scène au Français Damien Manivl pour Les enfants d’Isadora, celui d’interprétation masculine à Regis Myrupu dans A Febre, et des mentions spéciales à Hiruk-Pikuk si al-kisah, du réalisateur indonésien Yosep Anggi Noen, et Maternal de l’Italienne Maura Delpero.Vitalina Varela, de Pedro CoastaVitalina Varela, de Pedro Coasta

Un aperçu des films suisses de cette édition 2019

Avec O fim do mundo, Basil Da Cunhale, le cinéaste morgien suisso-portugais, filme à nouveau le bidonville de la banlieue de Lisbonne, Reboleira, où il s’est établi. Il a écrit des rôles pour ses voisins. Il tire son observation naturaliste vers une fiction poétisée où pointe fugacement l’humanité de ses personnages sous la carapace de «durs» qu’ils se façonnent. Comme dans ce plan où l’on voit Spira rentrer seul chez lui dans la nuit, au sortir de huit années d’école correctionnelle. Ses personnages désabusés ont peur d’aimer et de croire à autre chose qu’à la violence: «Pourquoi rêver, dit Spira, ça sert à rien.» Il démentira pourtant ces mots en transportant le cheval blanc qu’admire la jeune fille dont il est amoureux devant sa maison -bientôt vouée à la destruction.

Concours Cinéaste du présent

Dans cette 2e compétition la plus importante du festival, la Suisse était présente avec deux films qui abordent certaines fragilités ou profondeurs psychologiques. L’île aux oiseaux, de Maya Kosa et Sergio da Costa, raconte l’histoire d’Antonin qui, après une longue période d’isolement, se retrouve dans un centre de soins pour les oiseaux. De son côté, la réalisatrice suisso-péruvienne Klaudia Reynecke revient à Locarno trois ans après Il nido. Elle brosse dans Love me tender le portrait non dépourvu d’humour d’une anti héroïne victime d’agoraphobie.

Love me tender, de Klaudia ReyneckeLove me tender, de Klaudia Reynecke

Films présentés hors compétition

Le réalisateur tessinois Francesco Rizzi présentait son premier long métrage -déjà primé ailleurs- dans la section Panorama suisse. Son film Cronofobia démontre une belle maîtrise et sortira dans les salles romandes début octobre. On pourra également voir ultérieurement dans les salles de cinéma l’excellent Baghdad in shadow. Dévoilé en première mondiale, il s’agit du film de Samir, réalisateur confirmé ainsi que scénariste et producteur suisse.

Un Léopard pour la carrière de Fredi Mürer

Cette récompense a permis de revoir quatre des meilleurs films du réalisateur septuagénaire et de bénéficier de sa présence et de ses anecdotes lors de leurs projections. Un privilège que de revoir Höhenfeuer, un drame construit comme une tragédie grecque dans un décor alpestre rustique, qui lui avait valu le Léopard d’or en 1985 et un beau succès en salles. Une chance aussi de redécouvrir son prophétique Grauzone, projeté dans une version restaurée par la Cinémathèque suisse. Ce film de 1979, qu’un critique de l’époque avait qualifié de «parabole hyperréaliste, science-fiction ethnologique» sur ce qui se passait en Suisse, frappe par l’intelligence prémonitoire du sujet. C'est une fable à la fois burlesque et dramatique sur une étrange épidémie fondée sur des rumeurs, qui préfigurent celles des médias post millénium et des réseaux sociaux actuels.

À l’honneur dans la section Histoire du cinéma

Aux côtés de Fredi Mürer, deux autres films suisses étaient à l’honneur dans la section Rétrospective, avec des visions de versions restaurées en première mondiale: Charles mort ou vif d’Alain Tanner (1969) et Le grand soir de Francis Reusser (1976). Cette section permet de revoir des joyaux du 7e art, avec un accent mis sur le patrimoine suisse depuis 1991, grâce à l’initiative de Freddy Buache, fondateur émérite de la Cinémathèque suisse. Le festival lui a d’ailleurs rendu hommage en projetant la Lettre à Freddy Buache (1982) de Jean-Luc Godard. Un honneur mérité pour ce pionnier de la Cinémathèque suisse, qu’il dirigea pendant près de 50 ans et qui a donné son clap de fin en mai dernier, à plus de 90 ans, sans avoir jamais cessé de venir régulièrement commenter des films à la Cinémathèque.

Rétrospective Black Light

Cette année le thème Black Light proposait un panorama international de la question noire dans le cinéma du XXe siècle. Dans cette passionnante sélection de 47 films (à ne pas manquer lors de la reprise prévue à Lausanne, en janvier 2020 en principe, à la Cinémathèque suisse), le rare Daïna la métisse (1931) du cinéaste accompli d’avant-guerre Jean Grémillon et en copie restaurée; Rue Cases-Nègres d’Euhzan Palcy (Lion d’Argent à Venise et César du meilleur premier film en 1983); Daughters of the Dust (1991) de Julie Dash, un classique du cinéma indépendant et un des rares films réalisés par une femme noire distribué aux États-Unis.

À voir ou à revoir aussi l’Orfeu Negro (1959) de Marcel Camus, film enchanteur et multi-primé, qui revisite le mythe grec d’Orphée en le transposant dans la culture afro-brésilienne. Datant de la même année 1959, dans un tout autre genre, Odds Against Tomorrow, du grand Robert Wise, chef-d’œuvre policier de la fin de la période classique du film noir.Orfeo negro, de Marcel CamusOrfeo negro, de Marcel Camus

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