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mercredi, 03 mars 2021 09:48

Le FIFDH se réinvente

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FIFDH affiche 2021Pour sa 19ème édition, du 5 au 14 mars 2021, le Festival du film et forum international sur les droits humains propose un programme adapté aux circonstances sanitaires et explore de nouvelles formes de participation. La plateforme fifdh.org devient ainsi le centre du Festival, avec une sélection de films internationaux en VOD à voir chez-soi, des grands rendez-vous en direct, 16 heures de programmes originaux, vidéo et audio, une émission de radio et des interventions urbaines. Le 6 mars, par exemple, un drapeau de la taille d’un immeuble de 10 étages se déploiera sur la plaine de Plainpalais à Genève: We Are Watching, de Dan Acher, rappellera l’attente citoyenne face à l’urgence climatique.

La pandémie bouleverse nos vies quotidiennes, bouscule nos habitudes, nos manières de penser et même nos préjugés ou nos convictions. «Dans ce grand chambardement, nous apercevons les convulsions d’un monde qui se réinvente. Nous avons choisi cette année de nous emparer à bras-le-corps de ce qui portait un espoir de changement», explique Boris Mabillard, responsable des débats du FIFDH.

C'est ainsi qu'une nouvelle section intitulée Paroles d’activistes a vu le jour sous la forme de témoignages vidéo. La parole sera notamment donnée au journaliste iranien Behrouz Boochani et à la journaliste espagnole Helena Maleno qui se battent pour le statut des personnes migrantes, ou encore à Zarifa Ghafari, l’une des premières femmes maire en Afghanistan, à seulement 29 ans, qui œuvre à l’éducation des filles. Le FIFDH recevra aussi des membres de l’opposition biélorusse et l’écrivaine indienne Arundhati Roy afin d’évoquer son combat contre le nationalisme hindou. Il proposera une Grande Traversée d’une année de Kinshasa à Genève, sous forme écrite et documentée en image, sur les pas des femmes à la conquête de l’espace public.

FIFDH

Sont aussi prévus au programme des réflexions sur les enjeux technologiques, avec la question des déchets spatiaux et un débat intitulé Les algorithmes sont-ils sexistes et racistes?

Le Nouvel Évangile

«Il ne s’agit plus seulement de représenter le monde. Il s’agit de le changer.» Dans son communiqué de presse, le FIFDH déclare faire sienne cette déclaration du réalisateur suisse Milo Rau, dont le dernier film, Le Nouvel Évangile, mélange de documentaire et de fiction, est présenté au Festival, avant sa distribution attendue en Suisse dès le 1er avril 2021.

Né en 1977, le metteur en scène, cinéaste et essayiste suisse Milo Rau «est l’une des figures artistiques les plus sollicitées et controversées de sa génération, déclare le FIFDH. Pour Rau, l’art est avant tout un sport de combat et une confrontation à la violence politique qui traverse l’histoire récente. Avec les membres du NTGent qu’il dirige et de l’International Institute of Political Murder qu’il a fondé en 2007, il se livre à des recherches historiques minutieuses avant de s’emparer de son sujet. En mêlant histoire, art et politique, Milo Rau met en œuvre un processus de création unique, qui entremêle les niveaux de lecture pour provoquer l’intime, la compassion, la solidarité et l’éveil politique. C’est ainsi qu’il évoque Les Derniers Jours des Ceausescu (2009), donne à entendre la Déclaration de Breivik (2012), convoque les génocidaires rwandais avec Hate Radio (2012) ou provoque le réel dans Le Tribunal sur le Congo (2015, adapté au cinéma en 2018).»

Avec son dernier film Le Nouvel Évangile, remarqué au Festival de Venise, Milo Rau signe un manifeste de solidarité avec les migrants et migrantes en Europe. Le film documentaire, interprété par des personnes en situation réele, est tourné à Matera, au sud de l’Italie, et suit ainsi les traces de L'Évangile selon saint Matthieu de Pasolini. Qui seraient les apôtres du Christ aujourd'hui? demande le cinéaste. Très certainement des migrant⋅e⋅s, des paysan⋅ne⋅s ou des travailleur⋅euse⋅s du sexe, dit-il. Il a confié le rôle du Christ à l'activiste camerounais Yvan Sagnet, porte-voix de la défense des droits des immigrés en Italie. Selon le modèle du Christ, Yvan retourne en tant que «pêcheur d’hommes» dans le plus grand des camps de réfugiés près de Matera. Parmi les personnes échouées dans ce camp, il trouve ses «disciples». Milo Rau met ainsi en scène la Passion au sein d’une société faite d’injustice et d’inégalité.

À lire Sous le soleil aride des Pouilles, les migrants... un reportage de la journaliste et du photographe italiens indépendants Alessia Manzi et Giacomo Sini.

Interviewé en février par le journal Le Temps, il déclare: «Ce film est un documentaire utopique. On crée une situation utopique et peu à peu, elle devient concrète. C’est ainsi que se sont joints à notre troupe le maire de Matera et même le chef de la police, celui-là même qui était chargé d’évacuer les camps de réfugiés. Il a accepté de jouer le centurion romain qui vient arrêter le Christ.» Et encore: «La Maison de la dignité, soutenue par l’Église catholique, accueille aujourd’hui près de 250 personnes, avec des contrats. Ils cultivent des tomates qui échappent à l’emprise de la mafia et qu’on distribue dans une cinquantaine de magasins en Allemagne, en Autriche, peut-être bientôt en Suisse puisque nous sommes en discussion avec Migros. A quoi bon faire un film sur Jésus si on ne cherche pas à changer, un peu, le monde?»

Outre le film du réalisateur suisse Milo Rau, la sélection officielle du FIFDH comprend des films remarqués dans les grands festivals internationaux: à Cannes (En Route pour le Milliard de Dieudo Hamadi, Josep, premier film du dessinateur Aurel, Si le vent tombe de Nora Martirosyan, tourné au Haut Karabagh), la Berlinale (Numbers de Oleg Sentsov, My Name is Baghdad de Caru Alves de Souza), la Mostra de Venise (Notturno de Gianfranco Rosi, Ghosts de Azra Deniz Okyay, primé), Sundance (Coded Bias de Shalini Kantayya, Influence de Richard Poplak et Diana Neille, Once upon a time in Venezuela d’Anabel Rodríguez Ríos) et le Festival d’Amsterdam (IDFA) pour This Rain will never stop d’Alina Gorlova.

Le monteur Walter Murch, lauréat de trois Oscars pour son travail sur Apocalypse Now, Le Parrain III et Le Patient anglais, viendra discuter autour de son nouveau film, Coup 53, créé à quatre mains avec le cinéaste iranien Taghi Amirani.

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