De ces entretiens qui se déroulent pour l'un d'eux dans la période du grand âge, il ressort que le poète « paysan du ciel » a passé et repassé dans son champ (celui des Ecritures) et y a labouré encore et encore... à n'en plus finir. Les Ecritures affirme-t-il, il ne faut pas seulement les lire, il faut les vivre, et dans ces entretiens s'y rapportant, c'est à travers l'Etat de Poésie que s'exprimera Georges Haldas, et non en tant que théologien ou exégète.
Onze chapitres couronnés d'un poème... cela fait douze... chiffre symbolique. Des thèmes comme la nostalgie, l'art et la beauté, le vide et le plein, la philosophie, la politique, l'histoire, la patrie, la sexualité, la famille et bien sûr la vigne et le vin nouveau sont présentés, discutés et analysés. On est émerveillé par la fraîcheur, la vivacité, l'audace et la clarté d'esprit qui jaillissent du poète, guidé, il faut bien le souligner, par un interlocuteur de haut vol.
Je retiendrai dans cette profusion de démonstrations quelques regards qui m'ont beaucoup touchée. Tel celui de « la graine d'éternité en chacun qui fait qu'on vit dans le temps et celui de la mort. Mais cette pépite fait que nous portons en nous quelque chose qui transcende la mort. » Cette graine est présente au coeur du mal comme du bien... C'est parfois, dit-il, quand on commet des choses vraiment nocives et irréparables qu'on prend conscience tout d'un coup de ce qu'on appelle le Bien. Et de citer Paul Klee : « La vraie réalité est derrière, invisible, l'art ne reproduit pas le visible, il rend visible. Il y a une métamorphose constante des réalités qui est de l'ordre de la vie. »
Parlant du vide et du plein, le poète rappelle que le Christ a refusé au désert la puissance. Parce que la puissance, c'est le plein, et le Christ a dit « oui » au vide qu'est la pauvreté. La pauvreté en esprit, le vide essentiel, appellent la plénitude, celle de l'Absolu. Ce chapitre donne le vertige et me remplit d'admiration.
Le regard du poète sur la politique, la violence et la non-violence demanderait aussi qu'on s'y arrête... « A chaque homme de décider s'il veut prendre le parti de la non-violence pour lutter contre la violence ou s'il veut y répondre par la violence. » Le Christ n'est pas plus avec un Chinois qu'avec un Allemand ou un Brésilien. Il est avec chacun d'entre eux mais pas avec leur patrie. Il n'y a pas de territoire pour lui, pas de patrie christique et il ne faut pas sacraliser les lieux. Dans les temps que nous vivons, il est bon de se l'entendre dire !
Le poème qui couronne les onze chapitres est un bijou. Merci à Georges Haldas de nous dire « qu'on le boira ensemble assis des deux côtés d'une longue table son vin d'éternité ».