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jeudi, 06 octobre 2011 12:00

Le Jugement dernier

Écrit par

Herren 43546André Herren, Le Jugement dernier en procès, Matthieu 24-25. Itinéraire biblique et rencontre avec quelques artistes, Le Mont-sur-Lausanne, Editions Ouverture 2011, 350 p. et 56 p. d'illustrations.

L'ouvrage du pasteur André Herren mérite qu'on s'y arrête. Il représente le travail d'une vie consacrée au ministère de la Parole auprès de très nombreux groupes de laïcs et notamment dans le cadre de l'Atelier oecuménique de théologie à Genève, dont il fut un des directeurs protestants. Son livre est remarquable, tant par la qualité de l'impression qui en rend la lecture agréable, que par son style didactique, l'ampleur de son information et le jugement personnel de l'auteur.

Celui-ci aborde un thème majeur de la littérature biblique, de la théologie chrétienne et du vécu chrétien, thème qui fait difficulté et qu'on a tendance à mettre de côté mais qui influence nos représentations inconscientes de la foi et qui sans cesse refait surface : « une énigme douloureuse lorsqu'on le met en relation avec l'Evangile de la grâce ».

L'originalité de cet ouvrage consiste à proposer une exégèse fouillée et passionnante de deux chapitres de l'Evangile de Matthieu où le thème du Jugement dernier est central, et de le suivre chez quelques artistes, de Jérôme Bosch à Willy Fries, auteur d'une Danse de la dernière heure. Herren analyse les tympans de nos églises et cathédrales, de la Chaise-Dieu, en passant par Conques, Bâle, Bourges, Saint-Denis, etc. Il ne se limite pas aux représentations iconographiques du Jugement dernier et des thèmes proches que sont les paraboles des dix jeunes filles et des talents, mais il propose aussi un chapitre sur les représentations iconographiques du Christ dans les premiers siècles.

Pour Herren, l'Evangile de Matthieu joue sur deux tableaux : « Il reprend d'une part l'image du fils de l'homme céleste et glorieux des derniers temps, courante dans la littérature apocalyptique de son temps, et d'autre part la figure du serviteur souffrant. » Cette tension inscrite au coeur de l'Evangile va être édulcorée. Le cheminement humain, les souffrances et l'échec seront remplacés par l'image du Christ empereur triomphant dans le ciel, « pour asseoir le pouvoir ecclésiastique et social de l'Eglise et entretenir la peur et l'allégeance des fidèles ». « Les artistes vont suivre ce mouvement, abandonnant de plus en plus le côté humain de Jésus et les représentations de sa vie terrestre? L'art gothique retrouvera un peu l'humanité du Christ? mais cependant le Christ des tympans reste très lointain. »

Je me demande si l'on peut affirmer sans nuance une telle thèse parce que les témoignages iconographiques des premiers siècles (IIIe et IVe siècles) sur la vie terrestre du Christ, notamment les scènes de guérison, intègrent fortement la dimension symbolique, liant le côté humain et aussi céleste de sa trajectoire. -Il est difficile quelques fois de suivre l'argumentation de l'auteur sur certaines illustrations, comme son analyse, par ailleurs remarquable, sur les triptyques du Jugement dernier et du Jardin des plaisirs de Jérôme Bosch.

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