L’archevêque émérite de Milan, Carlo Maria Martini, est mort le vendredi 31 août 2012 à l’âge de 85 ans. Quelques semaines auparavant, le cardinal jésuite prenait congé de ses lecteurs du quotidien Corriere della Sera, auxquels il s’adressait chaque semaine depuis trois ans, malgré la maladie de Parkinson qu’il affrontait depuis une quinzaine d’année. Il écrivit alors ces lignes quasi prophétiques : « Le moment est venu pour moi de me retirer des choses terrestres et de me préparer à l’avènement du Royaume. »
Ces paroles, dignes d’un grand théologien, n’en cachaient pas moins une authentique peur de la mort qui s’approchait et « des difficultés avec Dieu », comme le rapporte la chaleureuse biographie d’Aldo Maria Valli, célèbre chroniqueur et écrivain italien, dont la traduction française est parue quelques mois seulement avant la mort du cardinal. Ce dernier confiait à un auditoire réuni une dernière fois à Milan en 2008 : « Plusieurs fois, je me suis lamenté, demandant au Seigneur pourquoi il ne nous a pas libérés de la nécessité de mourir… J’ai retrouvé la paix, pensant que je devais mourir, lorsque j’ai compris que, sans la mort, jamais nous ne serions capables de faire un acte de totale confiance en Dieu. »
Carlo Maria Martini, qui fut à Rome successivement recteur de l’Institut biblique, puis de l’Université pontificale grégorienne, était un homme pénétré par la Parole de Dieu et par la confiance en l’humanité, malgré ses désordres et ses violences. Il confiait en 1995, dans une lettre adressée à Alojzij Sustar, l’archevêque de Ljubljana, sur le thème Que faire en des temps difficiles ?, ces mots qui résument sa spiritualité profonde : « Toute époque est un temps de grâce, un kairos qui ouvre à la confiance : pour chacun, pour un peuple, pour l’ensemble des peuples, il existe une voie de pacification. »
Martini était en outre un homme voué à l’émergence d’un monde plus juste et humain. Sa première initiative publique à Milan, lorsqu’il en devint l’archevêque sur décision de Jean Paul II en décembre 1979, concernait le sort des prisonniers de San Vittore auxquels il rendit visite.
L’ultime « pacification » de son propre destin, le cardinal Martini aurait souhaité la vivre dans sa ville préférée : Jérusalem. A l’âge de la retraite, il quitta donc Milan pour la Terre Sainte, mais la maladie l’obligea au retour en Italie, où il rejoignit la communauté jésuite de Galarate.
Peu avant son décès, il invita l’Eglise tout entière au courage d’un profond renouvellement. Martini aurait souhaité un nouveau concile du Vatican. Dans le même temps, face au bruit « effrayant de vide », cet homme voué à la Parole recherchait de plus en plus « un espace libre de tout fracas aliénant, pour qu’il soit possible de tendre l’oreille et de percevoir quelque chose de la fête éternelle et de la voix du Père ».