Et tout comme dans la vraie vie, l'essentiel n'est pas dans le décor (des piquets et des cubes amovibles froids et gris pour délimiter des bureaux fermés ou en open space) mais dans les relations humaines. Les acteurs assument avec un naturel désarmant leur rôle, dans les deux sens du terme : dans la pièce et au sein de l'entreprise. Il y a la déléguée syndicale pragmatique, la secrétaire de direction indispensable, le créatif qui se la joue victime, le patron entrepreneur en crise de la quarantaine, la jeune comptable algérienne demandeuse d'emploi écrasée et le gestionnaire dont les difficultés de la vie privée rognent toute ambition et implication dans le travail. « Aujourd'hui je veux m'occuper d'Alice [sa fille malade]... le travail est devenu anecdotique », se défend-il. Et même si caricature n'est jamais très loin, la position de chacun évolue de façon cohérente durant les deux heures que dure le spectacle, aux grés des événements, de l'évolution de la boîte, et en accord avec les tempéraments. De quoi perdre quelques illusions, pour ceux qui seraient encore habités par l'utopie de la primauté de l'homme sur le capital.
Yann Reuzeau propose un théâtre « social ». Il a signé sa première pièce en tant qu'auteur-metteur en scène en 2000, avec La secte (sur la foi et la sexualité), publié chez Actes Sud. On lui doit Débutantes, sur la prostitution, Monsieur le Président, Puissants & Miséreux et Chute d'une nation (Prix Beaumarchais 2012).
Production Acte 2 en accord avec la Manufacture des abbesses. A voir au Théâtre Le Poche, à Genève, jusqu'au 18 janvier