António Guterres a souligné que tous les traités, tous les garde-fous législatifs, ne sont rien sans la volonté des partis concernés d’établir le dialogue. Il a demandé à chacun, qu’il soit membre d’un gouvernement, d’une institution onusienne ou de la société civile, notamment aux étudiants, de s’engager activement en faveur du désarmement, afin de faire avancer le dialogue entre les États et les cultures. C’est là, a-t-il insisté, le seul moyen de désamorcer le climat de méfiance international, qui atteint aujourd’hui un rare sommet.
Pour le Secrétaire général de l’ONU, qui n’a pas caché ses inquiétudes, les tensions de la guerre froide sont de retour, mais dans un monde multipolaire, bien plus complexe et imprévisible qu’hier. Le rôle de l’ONU est de faire prendre conscience à chacun, et aux dirigeants des États en particulier, qu’il est dans leur intérêt de travailler au désarmement, que la sécurité de tous passe par le dialogue et non par les armes. C’est particulièrement difficile aujourd’hui, à une époque où la logique de la négociation a perdu du terrain par rapport à il y a 30 ans. Ainsi, en 1991, l'Afrique du Sud abandonnait son programme d’armes nucléaires et adhérait au Traité de non-prolifération (TNP). Aujourd’hui, de nouvelles nations, au contraire, cherchent à développer leur armement nucléaire, dans une logique de sécurité par le surarmement. Au total, 15'000 armes nucléaires sont toujours stockées dans le monde, la plupart américaines et russes. Syrie, Israël, Iran, péninsule coréenne, terrorisme, les dossiers chauds sont nombreux, à une époque où les armes de destructions massives - nucléaires, chimiques, biologiques - font courir des risques inouïs aux populations, alors même que le choix de leur déclenchement dépend de quelques-uns.
Impact pour les civils
L’agenda du désarmement aborde l’impact des armes sur les populations civiles dans une optique de prévention et de mise en œuvre des principes humanitaires. Car ce sont les populations civiles les principales victimes aujourd’hui, et celles qui risqueront le plus demain. Quelques exemples récents : le nombre de déplacés fuyant un conflit était de 65 millions fin 2016 ; les engins explosifs, conçus au départ pour les champs de bataille, sont utilisés aujourd’hui illégalement dans des zones urbaines et contre des hôpitaux, détruisant des villes entières ; des armes chimiques ont été utilisées en Syrie contre les populations. Le secrétaire général de l’ONU soutiendra donc les États qui s’engageront pour limiter l’utilisation d'explosifs en zone urbaine.
L’utilisation des armes chimiques est un révélateur d'échec cuisant pour la communauté internationale, ces armes étant clairement prohibées par tous. Le fait que le Conseil de sécurité, très divisé, n’arrive pas à prendre les décisions nécessaires pour poursuivre les auteurs de ces crimes (une fois qu’ils sont identifiés) est un problème grave auquel l'ONU doit s'atteler. Plus généralement, la prévention des conflits et la capacité à les résoudre, ces deux rôles fondamentaux de l’ONU, ont rencontré peu de succès ces dernières années. Si aucune institution, aucun traité ne génère à lui tout seul le mécanisme du désarmement, ils restent cependant des leviers incontournables qu’il faut utiliser et sur lesquels l’ONU doit veiller. Celle-ci doit s’assurer que les instruments mis en place pour contrôler l’armement soient performants, notamment le Traité de non-prolifération nucléaire (TNT). « Car non prolifération et désarmement sont les deux revers d’une même médaille », a déclaré Antonio Guterres. Tous les États, qu’ils soient détenteurs ou pas d’un arsenal nucléaire, doivent travailler ensemble en vue de plus de sécurité. Mais ceux qui ont l’arme nucléaire ont des responsabilités supérieures. Antonio Guterres a donc lancé un appel aux États-Unis et à la Russie pour qu’elles prennent des mesures pour réduire leur arsenaux nucléaires, notamment par la reprise des accords START, Strategic Arms Reduction Treaty.
Les armes de demain
Mais il n’y a pas que les armes de destructions massives ou les armes conventionnelles qui font l’objet de l’agenda pour le désarmement du Secrétaire général de l’ONU. Pour la sécurité des générations futures, Antonio Guterres vise aussi le contrôle des armes de demain, aux performances particulièrement effrayantes du fait du développement technologique, et à leurs probables « implications révoltantes » : les cyberattaques, les guerres biologiques, la perte de contrôle des armes autonomes [comme les drones tueurs]. Il faut veiller à ce que les êtres humains préviennent et limitent leur fonctionnement, via notamment des accords juridiques contraignants.
La conférence a été introduite par Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève (Unige), en présence de François Longchamp, président du Canton de Genève, et placée sous la modération de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération suisse. Les étudiants sont les architectes de demain, et les universités des actrices de premier plan quand il s’agit de faire se rencontrer les cultures, un ingrédient essentiel à la paix entre nations, a souligné le recteur de l’Unige. Une affirmation réitérée à plusieurs reprises par Antonio Guterres lui-même, lors de sa présentation de l’agenda pour le désarmement.