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lundi, 06 mai 2013 10:29

L'esprit de François : le capitalisme, l'emploi et la mondialisation

Il est de notoriété publique que Jorge Bergoglio s.j. n'était pas un fan de la théologie de la libération, mais cela ne veut pas dire que le pape François soit adepte d'un capitalisme débridé. En 2000, dans Sur la terre comme au ciel, il admettait le rôle que joue la propriété privée, tout en notant qu'elle « entraîne l'obligation de la mettre au service des autres dans le cadre de justes limites ». Il faisait remarquer que l'Eglise est opposée non seulement au communisme, mais aussi « au libéralisme économique sauvage dont nous sommes témoins aujourd'hui ». En Amérique latine, le terme libéralisme désigne ce l'on appellerait aux Etats-Unis l'ultralibéralisme économique.


Sa critique du système capitaliste n'est pas uniquement d'ordre économique et politique, mais elle est aussi théologique ; en effet, ce système « domestique la religion de façon à ne pas trop déranger le capitalisme ». Il engendre un esprit séculier qui oublie que « le fait d'adorer Dieu implique que l'on se soumet à sa volonté, à sa justice, à sa loi et à son inspiration prophétique ». Le capitalisme, écrit-il, favorise « une culture de la consommation, de l'hédonisme, de la collusion entre les pouvoirs ou les secteurs politiques [et] le règne de l'argent ». Mais c'est lorsqu'il fustige la manière dont le capitalisme traite les travailleurs qu'il a les mots les plus forts : « Il n'existe pas pire dépossession que de ne pas pouvoir gagner son pain et que de se voir refuser la dignité du travail. » Ce qui dégrade les pauvres, écrit-il encore, c'est « de les priver de l'onction qui confère la dignité : un emploi. » Il fait l'éloge des prêtres qui, à l'imitation de Don Bosco, aident les enfants des bidonvilles à devenir électriciens, cuisiniers, tailleurs, etc.

Dans son livre, Bergoglio condamne aussi la fuite des capitaux du monde en développement. « Quelqu'un qui a une entreprise dans un pays et prend l'argent qu'elle produit pour le faire sortir du pays, commet un péché, parce qu'il ne respecte pas, au travers de cet argent, le pays auquel il doit sa richesse, ni les gens qui ont travaillé pour la créer. » En fait, il est en grave désaccord avec la mondialisation. En tant qu'archevêque de Buenos Aires, il s'est déclaré pour une « vraie mondialisation » dans laquelle « chacun est intégré, mais où chaque acteur garde ses particularités qui, du coup, enrichissent les autres ». Car une mondialisation qui uniformise tout le monde n'est pas humaine, elle est « essentiellement impérialiste et libérale dans l'instrumentalisation. Finalement, c'est une manière de réduire les nations en esclavage. »

Avant le conclave, John Allen écrivait que Bergoglio, par le rôle de premier plan qu'il avait joué durant la crise économique argentine, était devenu une voix de la conscience et « un symbole puissant des coûts que la mondialisation peut imposer aux pauvres de la terre ». Plus récemment, dans son homélie et dans son audience hebdomadaire du 1er mai, fête de saint Joseph le travailleur, la critique du pape s'est faite encore plus dure. Ayant appris que les ouvriers tués dans la catastrophe d'une fabrique de vêtements au Bangladesh n'étaient payés que 38 euros par mois, il a utilisé le terme de « travail forcé » et déclaré : « Ne pas payer un [salaire] équitable, ne pas créer d'emplois, ne centrer son attention que sur l'équilibre des budgets et les états financiers et ne rechercher que le profit personnel, c'est agir à l'encontre de Dieu ! (...) On accorde moins d'importance aux personnes qu'aux choses qui génèrent du profit pour ceux qui détiennent le pouvoir politique, social et économique. »

Revenant sur le thème du chômage, il a fait observer que celui-ci est « très souvent le résultat d'une conception de la société basée uniquement sur l'économie, qui cherche des profits égoïstes, hors des limites de la justice sociale ». Il a mis en demeure « les titulaires de fonctions publiques de n'épargner aucun effort pour relancer l'emploi. Lorsque la société est organisée de telle sorte que tous n'ont pas la possibilité de travailler (…) il y a quelque chose de pourri dans cette société, elle n'est pas juste. Elle agit en opposition à Dieu lui-même. »

Faisant écho aux enseignements de Jean Paul II et de Benoît XVI, le pape a déclaré que le travail nous « permet de nous maintenir en vie, nous et notre famille, et de contribuer à la croissance de notre nation ». Mais pour François, le travaille représente davantage encore : il nous rend semblables à Dieu qui œuvre au sein de la création. Et il cite la Genèse où l'on voit Dieu confier à l'homme et à la femme « la tâche de remplir la Terre et de la soumettre ».

Fidèle à son souci de l'environnement, il explique que « cela ne signifie pas qu'ils doivent l'exploiter, mais au contraire en prendre soin et la protéger au travers de leur travail » (cf. Gen 1,28 : 2,15). Le travail fait partie du plan bienveillant de Dieu ; nous sommes appelés à cultiver tous les biens de la création, à en prendre soin et à participer ainsi à l'œuvre de la création !

 

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