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jeudi, 27 février 2020 10:32

Admirer, oui, idolâtrer, non

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Jean Vanier en 2012. Photo by Kotukaran, cropped by Gabriel Sozzi from file:Wilbur_Sargunaraj_meets_Jean_Vanier,_May_2012.jpg © CC BY-SA 3.0L'affaire de Jean Vanier est vécue avec douleur par les membres des communautés de l'Arche et par de nombreux catholiques. Elle pose des questions fondamentales en Église, dont celle-ci: comment garder son individualité, sa liberté, tout en s'inscrivant dans la tradition et en se permettant l'admiration? En faisant preuve de discernement pour ne pas tomber dans l'idolâtrie. En ne transformant pas en icônes les grands témoins de la chrétienté, dont les catholiques, si malmenés aujourd'hui tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'Église, ont tant besoin.

Il est temps de revoir notre notion de la sainteté, en nous souvenant de ce que François a écrit dans son exhortation catholique Gaudette et exsultate: "J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu: chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté de la porte d’à côté, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, la classe moyenne de la sainteté."

Un autre problème fondamental est celui-de l'emprise que peuvent avoir des accompagnateurs spirituels sur des personnes fragilisées: "Le bon accompagnateur spirituel n’est pas un gourou qui exige soumission absolue à des impératifs précis. Il aide simplement l’accompagné à démêler l’écheveau, parfois compliqué, des motions intérieures. Il lui épargne, quand faire se peut, de s’engager dans des voies qu’il sait être des impasses. Il représente la sagesse et l’expérience de l’Église en matière de vie spirituelle. Il n’est pas vraiment directif. Il propose, et Dieu et l’accompagné disposent. Ce que le dirigé découvre par lui-même a beaucoup plus de poids que les théories que pourrait développer l’accompagnateur": citation du jésuite français Dominique Salin, dans La tradition jésuite retrouvée, publié dans notre dossier Coach, maître ou accompagnateur.

Dans un livre à paraître début mars, Risques et dérives de la vie religieuse, (éditions Cerf), Dom Dysmas, prieur de la Grande Chartreuse, dans l’Isère, donne quelques clefs de compréhension pour comprendre le fléau des abus sexuels dans l’Église. Parmi les facteurs à risque, il pointe du doigt une conception dévoyée du vœu d’obéissance. «La juste obéissance est nécessairement à l’image du Christ. Elle n’est pas une obéissance à un homme mais à Dieu.» Une vision partagée par le jésuite Klaus Mertes, recteur du collège St-Blaise en Allemagne, qui a examiné dans de nombreuses publications le contexte ecclésiastique des abus sexuels. Dans un article paru dans notre numéro de janvier 2020, il explique que si la notion d’obéissance dans l’Église revêt une importance biblique et spirituelle, son traitement est étroitement lié à la question des structures de pouvoir. Selon la manière dont elle est comprise et utilisée, elle peut constituer la base spirituelle des relations de pouvoir… ou de leur critique.

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