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lundi, 30 mars 2020 13:59

Le corona stimule les Eglises

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Vicariat de GenèveDepuis le 27 mars, une cloche spéciale de la cathédrale de Lausanne résonne à 22h sur un rythme inhabituel, celui de l’alerte, comme au Moyen-Age. Cette urgence planétaire, faire front au coronavirus, en particulier par le confinement, a pour conséquence une prolifique effervescence créatrice, et pas seulement dans le milieu des arts et de la culture. Les initiatives pour rester en contact, pour partager de bons tuyaux et informations (et non des fakes news!), et surtout pour soutenir physiquement ou psychologiquement ceux qui en ont besoin se multiplient. Même les Églises, qui jouissent d’une réputation d’immobilisme, pas toujours fondée d’ailleurs, s’y sont mises.

Si l’on attend en toute bonne logique de la créativité de la part du monde des arts et de culture, en trouver au sein des Églises, ordinairement plus lentes à la réactivité, est une bonne surprise. Le confinement actuel dû à la pandémie de coronavirus oblige les prêtres, pasteurs et agents pastoraux à faire preuve d’originalité pour entretenir le lien communautaire qui fait l'Église.

Pas d’Églises sans communautés!

Deux volets fondamentaux sont revisités actuellement par nos Églises: la pastorale de l’accompagnement, en particulier des plus fragiles, et le maintien de messes et de temps de prières communes.

Le coronavirus génère de l’anxiété. L’accompagnement pastoral se révèle donc plus que jamais nécessaire. En Suisse romande, un grand nombre de prêtres et pasteurs proposent à titre individuel, sur leurs blogs par exemple ou via les réseaux sociaux, des méditations en ligne, des écoutes téléphoniques. Voir, à titre d’exemple, l’offre de la Curie de la Compagnie de Jésus et plus particulièrement du site jesuites.ch.  D’autres outils voient le jour, comme des groupes de parole par WhatsApp ou Skype.

La plupart des paroisses, en outre, assurent une permanence téléphonique pour ceux qui souhaitent un soutien, une réponse, un échange. C'est le cas dans le canton de Vaud, par exemple, où le projet Abraham a été mis en place. Il s’agit d’une permanence téléphonique ouverte tous les jours de la semaine. Soixante aumôniers se sont mis à la disposition de tout un chacun, quelle que soit sa foi.

Les aumôneries s'adaptent

L’Église doit aussi adapter son travail d’aumônerie dans les prisons, EMS et hôpitaux pour continuer à remplir sa mission d’attention aux plus fragiles. À Genève, l’aumônerie des HUG a été renforcée, avec deux aumôniers de garde au lieu d’un seul en temps normal. Comme l’explique l’abbé Giovanni Fognini de Genève, «nous avons suspendu les visites dans les étages et nous nous limitons à répondre aux demandes. (…) Nous sommes aussi très attentifs au personnel soignant et aux membres du corps médical. Nous les connaissons bien. Beaucoup d’infirmières sont frontalières, avec leurs enfants à la maison. Nous prenons des nouvelles, nous les écoutons».

Dans les EMS, où toute visite est le plus souvent interdite, l’accompagnement spirituel, si nécessaire, est devenu très difficile. Des bénévoles d’aumôneries ont eu l’idée d’envoyer des prières au personnel des EMS pour qu’il puisse les lire aux résidents qui en font la demande.

Dans les prisons aussi, des adaptations ont lieu. À Genève, les directions des trois principaux sites sur lesquels les Églises interviennent (Champ-Dollon, La Brenaz et Curabilis) se sont montrées très concernées. Le directeur de Champ-Dollon a proposé de mettre à disposition, durant les heures habituelles des offices religieux, le canal TV interne afin de diffuser des productions maisons. Les aumôniers y travaillent pour proposer des liturgies de la Parole, un soutien à la prière et à la spiritualité.

Une autre façon d’être attentif aux plus fragiles passe par le développement de l’entraide solidaire. De jeunes bénévoles de l’association For Equity, en lien avec la Pastorale d’animation jeunesse de l’Église catholique dans le canton de Vaud (PASAJ), se chargent de porter leurs courses aux personnes fragiles confinées pendant la pandémie. Ce service était déjà en place avant la crise du coronavirus, dans le cadre d’une aide aux personnes en difficulté, mais il a été adapté en conséquence. L’association coopère également avec des paroisses de la région qui leur signalent des personnes ou des familles ayant besoin d’aide. Voir l’article de cath.ch.

Messes en ligne

Pour les catholiques, maintenir le lien communautaire passe immanquablement par la célébration de la messe, qui rend le Christ présent au cœur de la communauté. C’est pourquoi permettre de participer virtuellement à des messes (les célébrations publiques étant proscrites) est un service essentiel à maintenir.

Les messes télévisées et radiophoniques ont l’avantage de pouvoir toucher l’ensemble des catholiques confinés. Prochains rendez-vous:
RTS 2 filmera la messe radio d’Espace 2, le dimanche 29 mars 2020 à 9h.
La célébration de la Passion, Vendredi Saint, 10 avril 2020, sera transmise à 15h sur Espace 2, en direct de l’église Saint-Paul, à Cologny (GE), en compagnie des dominicains.

Les partages de messes via le web et les réseaux sociaux: même le Vatican innove en la matière. Toutes les célébrations de la Semaine Sainte au Vatican seront diffusées en direct à la radio et à la télévision, y compris en mondovision, ainsi qu’en streaming sur le site internet de Vatican News, et elles seront commentées en français sur le site et la page Facebook de Vatican news.
En outre, la messe quotidienne célébrée par le pape dans la chapelle de sa résidence de Sainte Marthe est diffusée tous les jours sur KTO en direct de Rome durant cette période de confinement.

Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg diffuse aussi en différé les messes célébrées par Mgr Morerod dans la chapelle de l'évêché, à 19h en français. (Voir le reportage du 12h45 de la TSR du vendredi 27 mars). Et le vicaire de Genève, Mgr Desthieux, fait de même sur le site de l’Église catholique romaine de Genève.

 

Plus originales et plus intimes

les zoommesses de Bruno Fuglistaller sj

Supérieur de la communauté des jésuites de Genève et membre du conseil de rédaction de notre revue, Bruno Fuglistaller célèbre depuis plusieurs années la messe à l’église Saint-Boniface. Une messe qui manquait trop à son petit groupe de fidèles qui aiment y participer. «L'interdiction de célébrer en public jusqu'au 15 mai a suscité de fortes réactions. Je me suis alors demandé comment faire pour à la fois respecter les mesures de restriction sanitaire et honorer un besoin légitime de communion.» Du coup, le jésuite a lancé «une messe participative», par vidéoconférence et sur invitation.

Pour en savoir plus sur ces zoommesses, voir le reportage de Priscilia Chacón sur Léman Bleu télévision, et l’article de Céline Fossati sur jesuites.ch.

Reportage de Priscilia Chacón pour Léman Bleu TV. Capture d'écran

 

La bénédiction «Urbi et Orbi» du pape, du 27 mars 2020

Un temps de prière que l’on n’oubliera pas

D’autres moments forts encore sont privilégiés, comme les temps de prière communes, qui rejoignent chacun là où il se trouve. Les Églises chrétiennes suisses invitent ainsi à prier chaque jeudi soir à 20h, à la maison, après avoir déposé une bougie allumée ou un lumignon à la fenêtre. Comme l'exprime sur le site du Vicariat de Genève le Père Halluin, curé modérateur de l’Unité pastorale de Meyrin-Mandement, «Cette union dans la prière est une chose très forte et importante. Cette épreuve va nous changer. Espérons qu’elle nous aide au moins à revoir nos modes de vie pour qu’ils deviennent plus solidaires, notamment avec les plus faibles.»

Parmi ces temps de prières partagées, il y en a un qui, très probablement, restera longtemps dans les esprits. Vendredi 27 mars, le pape François a invité tous les catholiques à le rejoindre sur Internet, en direct. Seul, sur le parvis de l’immense basilique Saint-Pierre, devant une place vide, il a présidé un temps de prière marqué par l’écoute d'un passage de l'évangile de Marc (4,35-4), suivie d’une homélie, d'une adoration du Saint-Sacrement et d'une bénédiction Urbi et Orbi à destination des personnes affectées par la pandémie actuelle de coronavirus.

Vatican, temps de prière commnue du 27 mars 2020. Capture décran Vatican News

Cette cérémonie a dévoilé de manière poignante à la fois l’extrême fragilité, bien humaine, de François, et à la fois sa force en tant que pasteur. Dans son homélie, François a en effet démontré une fois de plus sa capacité à comprendre et à rejoindre le cœur des hommes et des femmes, et à leur apporter une parole d'espérance. Comme lorsqu'il a commenté ce moment où les disciples de Jésus, pris dans une tempête sur le lac, et alors que Jésus continue à dormir, lui adressent cette parole angoissée: “Maître, nous sommes perdus; cela ne te fait rien?” "Ils pensent que Jésus se désintéresse d’eux, a dit le pape, qu’il ne se soucie pas d’eux. Entre nous, dans nos familles, l’une des choses qui fait le plus mal, c’est quand nous nous entendons dire: “Tu ne te soucies pas de moi?” C’est une phrase qui blesse et déclenche des tempêtes dans le cœur. Cela aura aussi touché Jésus, car lui, plus que personne, tient à nous. En effet, une fois invoqué, il sauve ses disciples découragés.»

À voir ou revoir ici. Texte complet de son homélie ici.

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