Poursuivant ma réflexion, je me suis arrêté sur un nouveau coup d’éclat de Marek Halter, ce romancier français, juif, d’origine polonaise, bien connu pour son engagement en faveur de la paix au Moyen-Orient. Il y a trois ans, il réunissait un rabbin, Michel Sarfati, et un imam, Hassen Chalghoumi, et organisait avec eux un convoi pour la paix, avec des cadeaux pour les enfants de Gaza. Il avait prévenu les Israéliens et le Hamas. Il en parle aujourd’hui encore avec émotion : « Nous avons traversé Israël, nous sommes entrés à Gaza, le rabbin, l’imam et moi. Les gens ont applaudi le rabbin. Nous avons dansé et chanté en hébreu sous les applaudissements des gens du Hamas. Ces images étaient tellement fortes que les gens pleuraient, pensant que la paix était enfin arrivée. » En juin dernier, il a écrit au pape François pour l’encourager à poser « un acte fort » en se rendant à Jérusalem avec 50 cardinaux, 50 rabbins et 50 imams, afin de prier pour la paix devant le mur des Lamentations. Et voilà qu’il poursuit sur sa lancée : le 25 septembre, avec huit imams de France, il s’est rendu sur la place Saint-Pierre pour l’audience générale à laquelle participaient des dizaines de milliers de pèlerins. Marek Halter a expliqué ainsi sa démarche : « Il est urgent de promouvoir le dialogue entre les religions. Il faut dédiaboliser l’islam, sinon nous aurons une guerre des religions et c’est la pire des guerres qui existe. »
Je n’ai aucun pouvoir ni mandat pour « canoniser » Marek Halter, ni tant d’autres qui œuvrent sur le terrain pour un dialogue ouvert. Ils sont cependant tous présents dans cette communion que nous avons fêtée en cette Toussaint 2013, plus que ceux auxquels le Prix Nobel de la Paix vient d’être décerné, car ils sont saints au sens où l’entendait la petite Thérèse, dont l’enseignement est un encouragement pour tous à rechercher la sainteté. Y compris pour ceux d’entre nous qui doutons de notre capacité à répondre à cet appel. A l’époque de Thérèse, marquée par l’héritage janséniste, beaucoup pensaient que la sainteté était réservée à quelques âmes d’élite, vivant des phénomènes mystiques impressionnants ou réalisant de grandes choses. Bien que n’ayant rien fait d’extraordinaire, Thérèse a pourtant pensé avec constance qu’elle pouvait devenir sainte. Elle a ainsi montré, par sa vie et ses écrits, que la sainteté est accessible à tous. Un autre docteur de l’Eglise avait eu, trois siècles plus tôt, une intuition aussi forte : François de Sales. Il avait encouragé les chrétiens vivant dans le monde à progresser spirituellement, d’une façon propre à leur état de vie. Une anticipation du concile Vatican II. La « Constitution dogmatique sur l’Eglise » (Lumen gentium) ne souligne-t-elle pas que tous les chrétiens sont appelés à la sainteté ?
Alors, le terme « saint » ayant pris quelques rides et sentant le poussiéreux, faut-il le changer ? Au contraire ! Que tous ceux qui l’emploient dans leurs prières (juifs, musulmans et chrétiens) le mettent en pratique dans une tolérance et un respect mutuel, d’autant plus justifiable qu’ils se réfèrent tous au seul Saint !