Si cet appel n'était tiré d'un psaume (94), je n'oserais commencer l'éditorial de janvier de choisir par ces mots. Mais honnêtement, comment se souhaiter la bonne année, alors que partout, jour après jour, on apprend le massacre de chrétiens dans l'une ou l'autre partie du monde. Et cela, comme un fait divers, entre deux news du journal télévisé, pendant que chaudement à l'abri nous sirotons nos dernières bouteilles des fêtes passées. Bien sûr, cela ne sonne pas très chrétien ! Pourtant, combien de temps va-t-on encore laisser faire, sans se révolter contre cette injustice gratuite ? N'a-t-on rien appris de nos frères juifs qui se lèvent et protestent à hauts cris dès qu'on touche à une synagogue ? Et imaginez : une seule déprédation contre une mosquée, et c'est le branle-bas de combat dans le monde musulman?
Seront-ils entendus, les évêques irakiens qui, à la suite de l'attentat meurtrier qui visa la cathédrale syro-catholique de Bagdad le 31 octobre dernier, faisant près de 50 morts et plus de 70 blessés graves, ont lancé un message demandant aux autorités musulmanes une fatwa « pour aider à éclairer le fait que les violences contre les chrétiens sont illégitimes et contraires aux principes de la religion islamique » ? A Bagdad, « l'attaque sauvage a tué la paix, beaucoup de chrétiens ont perdu l'espoir », relève le chef de la petite communauté catholique de la ville, dont la présence dans le pays remonte à bien avant l'arrivée de l'islam. Depuis l'invasion américaine de 2003, plus de 60 % des chrétiens ont fui le pays, et rien que ce dernier mois, plus de 200 familles ont pris le chemin de l'exil, quittant l'Irak par peur de cette véritable chasse aux chrétiens.
Mais il ne s'agit pas seulement du Moyen-Orient. Le rapport de l'Observatoire de l'intolérance et de la discrimination des chrétiens en Europe vient d'être publié à Vienne (siège de cette organisation)[1]. concernant les cinq dernières années. L'importance de ce rapport réside dans le fait qu'il donne une longue série d'exemples d'intolérance envers les chrétiens en Europe : actes de vandalisme, de haine envers des églises et des symboles religieux, de brimades envers des personnes. Cela donne une base sur laquelle il est possible d'évaluer l'ampleur et la nature du phénomène. Après la Shoah, va-t-on assister à des pogroms anti-chrétiens dans nos pays de tradition et de culture chrétiennes ? Il n'en tient qu'à nous. Non que j'en appelle d'abord à nos gouvernements pour prendre la défense du christianisme : ils l'ont déjà fait, hélas ! à une époque où leur velléité de conquêtes coloniales se cachait derrière une défense des minorités opprimées. Mais où est donc passé le bon sens de la majorité des citoyens de chez nous aux origines chrétiennes ? Combien de temps encore se laissera-t-elle berner par ces slogans populistes ou autres attaques perfides de libres-penseurs, qui distillent progressivement, sous couvert de liberté pour tous, des relents d'intolérance qui fâchent ? Faut-il ne rien respecter de notre histoire pour partir en guerre contre les crucifix de nos édifices publics ! A quand la suppression de la Croix sur notre drapeau national, des clés (de saint Pierre) sur les armoiries de Genève ou de la crosse d'évêque sur l'écusson du Jura ?
Seulement voilà, le chrétien de chez nous préfère se laisser enfermer dans sa sphère privée pour, presque en cachette, y prier son Christ. Aurait-il peur d'être martyr, puisque c'est le mot grec que les Evangiles emploient pour désigner un « témoin » ? Certes, on n'en est pas encore là ; m'autorisera-t-on à ajouter « Dieu merci » !
Choisir vous souhaite une année de liberté et de paix, une année d'engagement où apparaisse que le temps est venu de ne plus se taire devant la violence des fanatiques, surtout lorsqu'ils le sont pour motifs religieux, afin que la force du message évangélique dont nous sommes héritiers et qui a forgé notre culture, nos traditions et notre pays, soit proclamée dans notre quotidien plus fort que les susceptibilités propres à chaque camp. N'avons-nous pas dans notre foi tout ce qu'il faut pour vaincre nos peurs de la différence ?