Face aux défis que la culture contemporaine adresse à l’institution de la famille et au mariage, les évêques n’ont pas voulu s’enfermer dans une logique du permis/défendu, ni confondre le message de l’Evangile avec le quadrillage juridique de la vie chrétienne. Plutôt que d’apporter des réponses au nom de principes abstraits, ils se sont livrés à un vaste et laborieux exercice de discernement.
Puisqu’il s’agissait de ne pas utiliser des « formulaires préparés d’avance »[1], ni de sauvegarder à tout prix de vieilles habitudes et des règlements obsolètes, les évêques ont commencé par écouter le peuple des baptisés, premier dépositaire du sens surnaturel de la foi.[2] Une large consultation ouverte à tous ceux et celles qui souhaitaient y participer a préludé aux travaux du Synode. Prenant acte des résultats de cette enquête, les représentants des épiscopats du monde entier se sont mis à l’écoute de l’enseignement du Christ en le confrontant aux diverses situations qui remettent en cause l’institution familiale et le mariage. Pour les participants au Synode, il ne s’agissait pas de défendre à tout prix une position acquise ou d’imposer une conception personnelle. Ils ont fait route ensemble[3] pour rechercher la volonté du Seigneur qui ne se cache pas quelque part dans les bureaux de la curie vaticane ou sous la mitre des dignitaires ecclésiastiques. Trois semaines de prières, d’analyses, d’écoutes mutuelles, de dialogues, de confrontations, d’échanges francs et parfois vifs ont ouvert un chemin qui a conduit chacun au-delà de lui-même, vers une vérité plus plénière. Même si toutes les difficultés n’étaient pas résolues de manière exhaustive, une telle démarche excluait les groupes de pressions et autres lobbyings. Il y eut bien de la part de certains cardinaux quelques manœuvres peu avouables, des « méthodes pas du tout bienveillantes », comme l’a dénoncé le pape dans son discours de conclusion. Elles ne parvinrent pas à faire dévier le Synode dans sa marche à la recherche d’une solution fidèle.
En réponse aux graves questions qui les occupaient, les évêques ont évité le piège légaliste et la raideur dogmatique. Si l’enseignement du Christ reste intangible, force est de reconnaître que ses destinataires sont pris dans le réseau compliqué, multiple et parfois contradictoire des circonstances et des cultures. Son application impose une casuistique incompatible avec des solutions à l’emporte-pièce et universelles qui ignorent une réalité qui pèse lourd sur les choix des familles et des couples. Sans tomber dans le piège du relativisme ni diaboliser les personnes concernées, les évêques ont parcouru un chemin de discernement spirituel et pastoral qui les a conduit vers une solution plus conforme à l’Evangile de la miséricorde : fidèles et pasteurs sont renvoyés à leur propre conscience, aux exigences du message de l’Evangile et à l’accord avec la communauté.
Quelques commentateurs myopes n’ont pas manqué de déplorer les résultats du Synode. Ils en espéraient des autorisations qui aient la force de l’autorité, la solution de quelques cas qui, régulièrement, font les choux gras de la presse à sensation. Ils attendaient quelques petits pas ; en faisant un grand pas, le Synode a largement dépassé leur attente. La mise en pratique d’un nouveau style de gouvernement et d’enseignement a porté la nouveauté à un niveau bien plus fondamental du fonctionnement de l’Eglise.
Pierre Emonet sj
[1] • Cf. Discours du pape pour la clôture du Synode.
[2] • Concile Vatican II, Lumen Gentium, n. 12.
[3] • En grec, « Synode » veut dire : faire route ensemble.