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mardi, 23 novembre 2021 15:15

Marcher pour refaire société

simonin1bisImaginer une colonne s’étirant au fil de 60 km de marche, composée de 20 adultes entre 40 et 78 ans, de diverses croyances, et 11 jeunes scouts musulmans. Ils rient, chantent à la joie d’être ensemble, rechignant parfois devant l’effort ou des cailloux sur lesquels ils s’encoublent. La colonne veut relier Cannes, la ville de la marche annuelle du Vivre ensemble, à Nice, la ville d’un récent martyre. Durant 6 jours, la troupe va dormir sous tente ou dans des gîtes de rencontre.

Une symphonie du Nouveau Monde

Tous ces marcheurs se sont retrouvés pour marcher-dialoguer-comprendre. C’est la devise de l’association Compostelle-Cordoue qui, en partenariat avec Vivre Ensemble à Cannes, a mis sur pieds ce pèlerinage intergénérationnel et interconvictionnel.

Marcher, dialoguer, c’est le lot de beaucoup de gens. Mais comprendre? Et d’abord comprendre quoi? Trois thèmes majeurs ont alimenté nos échanges: la planète qui bascule inexorablement vers le réchauffement climatique; les colonnes de réfugiés qui, aux quatre coins du monde, se heurtent aux barbelés ou à la mer de tous les dangers; la violence endogène qui pousse des humains à en tuer d’autres, emportés par leurs idées dominatrices. Trois thèmes d’une actualité criante, qui touchent autant les jeunes que les séniors et qu’il nous faut affronter avec discernement et espérance. Trois thèmes dont les villes de Cannes et de Nice sont, à divers titres, des emblèmes.

Alors, la magie de la marche opère et ouvre les esprits et les cœurs.

Une certaine «bienveillance» s’est répandue dans le groupe tout entier, sans qu’on sache d’où elle est venue. Chacun est attentif à l’autre et l’entraide entre les séniors et les jeunes scouts fait merveille. Aux étapes, nos rencontres successives avec des acteurs locaux engagés dans l’un ou l’autre des trois thèmes, se sont révélées d’une extraordinaire richesse. Sans doute par l’étonnant pouvoir de questionnement que des «visiteurs» déclenchent chez leurs «hôtes». Comme, loin dans le temps, trois anges visitant Abraham et sa famille ont ouvert le monde aux questions essentielles. Car les pèlerins, en marchant, s’interrogent eux-mêmes au plus profond. C’est cette altérité partagée dans l’intimité de la marche qui contribue à fonder un vivre ensemble aux dimensions plus larges, dans les quartiers, les villes, les régions, les pays, jusqu’aux dimensions de la planète. Et par leur esprit libéré du poids de corps, ces pèlerins d’un nouveau monde, ont pu, lors des diverses tables rondes organisées en fin d’étape, inviter chacun à s’ouvrir au partage d’une réflexion cruciale pour demain.

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Ainsi, avons-nous eu l’impression, durant cette semaine où l’espace et le temps nous sont apparus sans limite, que nos pas avaient inscrit dans le sol, les notes de musique d’une nouvelle «symphonie du Nouveau Monde». Un nouveau monde qui ne voudra pas contempler ses découvertes dans son propre miroir et réduire le travail de l’autre à la satisfaction de ses propre besoins. Mais un nouveau monde qui, main dans la main avec l’inconnu enfin reconnu comme son semblable, construira des villes, des quartiers, des familles, des forêts, des montagnes, où le respect, la bienveillance, la vitalité, le partage, l’amitié, seront les maîtres mots.

Alain Simonin et toute l’équipe des marcheurs
Genève, Cannes, Nice, novembre 2021

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