Le premier est œcuménique. Lors de sa visite, le pape rencontrera le patriarche Bartholomée de Constantinople pour commémorer le 50e anniversaire de la rencontre à Jérusalem du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras, leurs prédécesseurs. Il est difficile pour nous, familiers avec la notion d'œcuménisme, de réaliser l'événement historique que la réunion de 1964 a constitué. Elle a conduit à la levée d'excommunications mutuelles entre les deux Eglises, actives depuis plus de 900 ans. (Voir à ce sujet l'article de Jerry Ryan sur le dialogue panorthodoxe) Une division scandaleuse, impliquant haine et sang, et dont les blessures sont encore tendres. Mais la rencontre entre François et Barthélémy n'est pas uniquement portée par un esprit de réconciliation et de guérison. Les deux dirigeants savent que les chrétiens doivent faire cause commune pour mieux répondre aux besoins des pauvres et de l'environnement, et pour travailler pour la paix.
Le deuxième objectif du pape est interreligieux. Voyageront avec lui rabbi Abraham Skorka de Buenos Aires et Omar Abboud, du Centre islamique d'Argentine, deux hommes que François connaît bien (il a même écrit un livre, Sur la terre comme au ciel, avec le rabbin Skorka). Le pape espère que sa visite fera avancer la cause du dialogue et de la coopération interreligieux.
Le troisième objectif de cette visite est pour le pape d'apporter son soutien et ses encouragements aux chrétiens du Moyen-Orient, dont la présence sur ces terres remonte au temps des apôtres mais est menacée par l'extrémisme et la violence. Les coptes chrétiens vivent dans la peur en Egypte ; l'Irak était beaucoup plus sûr pour les chrétiens avant l'invasion américaine ; Bethléem, qui fut en son temps une ville chrétienne, est à présent à deux tiers musulmane. Même en Israël les chrétiens craignent à présent les extrémistes juifs, qui ont souillé certains des sites religieux. Résultat, l'exode des chrétiens du Moyen-Orient s'accélère. Au point que le patriarche latin de Jérusalem Fouad Twal ait dit craindre que la Terre Sainte ne se transforme en un « Disneyland spirituel » pour pèlerins-touristes, sans présence chrétienne permanente.
Enfin, François veut œuvrer à la paix au Moyen-Orient, en particulier à la résolution du conflit israélo-palestinien. Une paix qui ne viendra que lorsqu'il y aura une vraie conversion des cœurs, et qui demande à ce que les deux parties se reconnaissent frère et sœur.
Ce sont là quatre énormes objectifs, utopistes même. Le pape s'est certes montré un leader extraordinaire, mais il n'est pas un faiseur de miracle. Il ne peut que donner le ton et pousser les joueurs dans la bonne direction. Le Moyen-Orient est un champ de mines. S'y rendre et revenir sans qu'une catastrophe n'y soit déclenchée pourra déjà être considéré comme un succès. Le pape, c'est vrai, nous surprend constamment, ce qui nous mène à espérer. Mais l'expérience nous rappelle à la réalité.
Thomas J. Reese sj
(traduit par choisir et publié avec l'accord du National Catholic Reporter)
Retrouvez dans la revue choisir à venir du mois de juin une réflexion sur les thèmes des mémoires de guerre et des processus à long terme de réconciliation : avec les évocations de la situation des chrétiens en Egypte et à Tel Aviv, un reportage sur les fractures toujours vives de la société au Salvador et un article sur la représentation de la Seconde Guerre mondiale par des bédéistes.