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lundi, 27 juin 2022 06:00

Doute, dans le clair-obscur de la foi

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HF RTS emission Doute juin2022Quel croyant nʹa jamais douté? La journaliste Christine Mo Costabella est partie à la rencontre de deux personnes aux parcours spirituels différents. L'une, par le doute, approfondit et mature sa foi chrétienne; l'autre -qui n'est autre que Marie-Thérèse Bouchardy, ancienne collaboratrice de choisir- confrontée à trop d'incohérences, l'a quittée au profit du bouddhisme. Une émission de RTSreligion Hautes Fréquences, construite en partenariat avec choisir et qui fait écho à notre édition 704 consacrée au doute.

Ancienne documentaliste pour les jésuites de Genève et leur revue choisir, Marie-Thérèse Bouchardy fait partie d'un groupe interreligieux. Si elle se considère aujourd'hui comme bouddhiste après avoir quitté la foi chrétienne, elle continue de lire la Bible: «Un trésor ce livre! Les béatitudes par exemple, difficile de trouver mieux. Quant au Dieu tout puissant... je laisse tomber.» Elle se confie sur son parcours spirituel, tout comme le Fribourgeois Lionnel Avanthay, un catholique, pour qui le doute n'est certes pas confortable, mais fait partie de sa vie. En fin d'émission, la journaliste s'est également entretenue avec un spécialiste de l'accompagnement personnel, Pierre Glardon, psychopédagogue, thérapeute et pasteur à la retraite.

Vous pouvez écouter l'émission Hautes Fréquences - Doute, dans le clair-obscur de la foi dans son intégralité ci-dessous ou sur le site de la RTS

Du feu à la flamme

Lionel Avanthay est «revenu à Dieu» à ses 18 ans. Alors qu'il servait la messe sans trop de convictions, il lance à son ami: «Regarde dehors, il pleut!» Et parie: «Si on fait ce service avec amour, il fera beau soleil!» Ils l'ont fait, en y mettant toutes leurs tripes, «et tout à coup, mon ami Felipe me dit: "Lionel vient!" Il m'appelle à la fenêtre et là, je vois un rond de ciel bleu juste au dessus du restaurant dans lequel je venais de finir mon apprentissage de cuisinier.» Une révélation. C'était la source d'amour qu'il cherchait depuis des années. «C'est ça, c'est Dieu!» Cela ne faisait aucun doute pour le jeune homme qui s'est alors engagé dans une communauté religieuse. Les premiers doutes sont apparus quand la relation avec ses supérieurs se sont compliquées... le poussant à sortir de sa communauté. Cela a-t-il ébranlé sa foi? «Oui, mais heureusement. La ferveur de mes 18 ans, le feu du début, ces sentiments qui vous prennent tout entier et vous font trembler, ne durent pas tout une vie.»

À la question se savoir si les affaires qui ont ébranlé ces dernières années l’Église ont aussi ébranlé sa foi de catholique, il répond: «Oui, et cela continue puisque qu’il y en a toujours de nouvelles. Je suis valaisan et sanguin, et cela me donne l'envie d'aller pendre certains prêtres et certains évêques par les pieds. À se demander s'ils n'ont rien compris. Cela me révolte profondément, mais en même temps je me dis que si cet enseignement arrive à passer à travers la bouche des pires salopards, c'est qu'il y a quelque chose qui dépasse tout.»

Du christianisme au bouddhisme

Mithou courseecole18Tête de bouddha, croix chrétienne... chez Marie-Thérèse Bouchardy, il y a de la place pour toutes les spiritualités. «Et heureusement!»  Baptisée catholique, baignant dans cette foi durant plus de 40 ans, les premiers doutes lui sont apparus alors qu'elle sortait d'un cycle de formation à l'AOT (Atelier œcuménique des églises). «J'ai ressenti le besoin de faire silence, entre autres, sur le mot de Dieu. Tout ce langage d’Église -le Dieu tout puissant, le Seigneur...- qu'est-ce cela dit au gens d'aujourd'hui?» Elle s'est ensuite engagée au sein de l'ACAT (Association des chrétiens pour l'abolition de la torture). «Nous célébrions des messes en marges des actions de droits humains. Je me chargeais de rédiger les interventions quand j'ai ressenti un raz-le-bol énorme à force de demander de prier pour ceci, prier pour cela... Une overdose!»

À quel moment a-t-elle cessé de se définir elle-même comme chrétienne? «Je suis allée en Inde une dizaine de fois, dès 1976. Et là, j'ai découvert le bouddhisme, et cela m'a beaucoup intéressée. Dans le bouddhisme, ce qu'il y a de très fort, c'est l'apprentissage du silence. Cela m'a beaucoup parlé. Certes, il y a les Exercices spirituels de saint Ignace, que les jésuites font sur un mois et que j'ai fait sur neuf mois dans la vie courante avec un accompagnateur qui donne des textes bibliques à méditer. Pour moi, cela a été assez décapant et assez douloureux. C'est comme une psychanalyse et cela remue et fait ressurgir beaucoup de choses. Cela m'a donné encore davantage besoin de silence.» 

Qu'est-ce qui vous a fait douter de Dieu? «La mort de mon fiancé tout d’abord, le gros choc de ma vie. J'avais 21 ans. Cette mort est toujours restée présente.»  Ce qui l'a aussi éloignée de l’Église, «c'est le scandale de ne pas accueillir les Églises sœurs à la table eucharistique.»  Au-delà, pour la retraitée, l'eucharistie dégagée de tout le décorum de la messe est quelque chose «de génial, de cosmique». «Il faut lire Teilhard de Chardin, La Messe sur le monde. C'est quelque chose qui vous transporte, et qui vous lie à la nature.» Elle aurait volontiers garder cette partie de la foi chrétienne. «Mais quand on sort d'une religion, on est très carré comme tous les convertis. Puis on en revient, et on temporise.»

À lire: "Douter et changer sans se perdre", choisir n° 704, juillet-septembre 2022. Un numéro à commander auprès de

À écouter: Le bénéfice du doute, une émission radio de la RTS À vue d’esprit, qui s'était penchée en 2013 sur la problématique du doute avec, pour présupposé, qu’il est indispensable à la foi. Pierre Emonet sj, directeur de choisir, s'était entretenu à ce propos avecl e journaliste Pierre-Yves Moret.

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