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lundi, 06 février 2012 12:00

Une sainte moderne

Plettner 43406Claude Plettner, Chère Thérèse d'Avila, Montrouge, Bayard 2011, 132 p.

Par des lettres imaginaires destinées à sainte Thérèse d'Avila, Claude Plettner nous fait entrer dans le XVIe siècle espagnol et fait des liens entre cette femme exceptionnelle et les femmes d'aujourd'hui. Elle campe le milieu familial de celle qu'elle appelle Teresa et recherche dans ce milieu les origines de son choix de vie : « Entre la peste du couvent et le choléra du mariage, tu as choisi le moindre des maux. »

En cette période de découverte du Nouveau Monde, réservée au sexe masculin, Teresa part elle aussi à la recherche de terrae incognitae, les territoires intérieurs. La vie religieuse devient, dès lors, un lieu d'émancipation et non de réduction.

Mais avant que « quelque chose arrive », il y a la maladie. Teresa est une femme qui veut « tenir » au monastère, mais dont tout le corps résiste. Ce n'est que vers la cinquantaine qu'une conversion s'opère : un jour de 1554, elle est « remuée par l'humanité du Christ ». Lorsque croire cesse d'être une suite d'observances extérieures, cesse la guerre contre elle-même.

L'auteure de ces lettres fictives dialogue avec la Madre, de femme à femme, à travers le temps, citant des fragments de ses oeuvres en réponse à son propre questionnement. Claude Plettner réussit de cette façon à montrer la modernité d'un texte qui parle d'une Eglise en crise, recroquevillée, divisée et sur la défensive. Elle nous ouvre à l'écriture de celle qui a réélaboré la règle des carmélites pour en retrouver la fraîcheur, de celle qui a réinventé « le sens du choix de cette vie à part », de cette première femme de l'Histoire qui écrit en JE. Teresa rejoint les préoccupations de toutes les femmes qui cherchent Dieu et particulièrement des théologiennes d'aujourd'hui.

Entreprenante, toujours en chemin pour fonder ses monastères, elle a su se protéger de l'Inquisition soupçonneuse. Elle a osé ne pas écouter nombre de confesseurs lorsqu'elle estimait qu'ils se mettaient en travers de sa route vers Dieu. Claude Plettner va jusqu'à se demander comment un pape a osé déclarer Docteur une femme si peu obéissante et si peu recommandable?

L'auteure aborde aussi la prière de la Madre et la représentation qu'elle en donne dans son ouvrage Les demeures du château intérieur, sans oublier de parler de ses extases et de ses ravissements : « la foi, cette expérimentation étonnée d'être une demeure habitée ».

Evoquant Freud, Lacan et la sexualité, elle prend le contre-pied de tous ceux qui ont étiqueté maladroitement Teresa. La dernière lettre du livre est celle des Soeurs du Carmel de la Paix, à Mazille en Bourgogne, ces femmes du XXIe siècle qui ont choisi « par passion la vie monastique et le cercle restreint d'une communauté ». Elles parlent du Christ comme d'un lien bien plus fort que celui que les réseaux sociaux proposent sur Internet !

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