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mardi, 06 mars 2012 11:00

Assassinats

Écrit par

Ziegler 43787Jean Ziegler, Destruction massive. Géopolitique de la faim, Paris, Seuil 2011, 344 p.

Chacune, chacun de nous le sait : des millions d'enfants meurent de faim sur notre planète. Qu'y pouvons-nous ? Avec Destruction massive, titre choc choisi par l'éditeur, le bouillant Jean Ziegler, admiré ou détesté, secoue notre torpeur et prouve que rien n'est dû à la fatalité, en dénonçant l'idéologie libérale à laquelle les entreprises et les Etats se soumettent. Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation de 2000 à 2008, aujourd'hui vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l'homme à l'ONU, il continue, avec ce nouvel ouvrage, de dénoncer les mécanismes d'assujettissement des peuples.

La faim est la principale cause de mort et de déréliction sur la planète. Pour Ziegler, passionné par le combat contre la pauvreté, à l'image de l'Abbé Pierre dont il est un grand admirateur, chaque enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné. Car pourquoi ces millions d'affamés, alors que la planète pourrait nourrir 12 milliards d'êtres humains ? L'auteur explique les raisons de l'échec des formidables moyens mis en oeuvre depuis la Seconde Guerre mondiale pour éradiquer la faim, avec la création du PAM et de la FAO.

D'abord, la spéculation financière sur les matières premières alimentaires qui fait flamber les prix et empêche les agences d'aide de subvenir aux be¬soins vitaux des populations : le PAM a vu son budget passer de 6 milliards de dollars à 2,8 milliards en 2008 en raison de la crise financière ! Ensuite, la dette extérieure qui étrangle les pays les plus pauvres et les empêche d'investir dans l'agriculture de subsistance. Ou encore, le dumping agricole, qui torpille les productions africaines au profit de produits venus d'Europe, vendus deux fois moins cher que les produits locaux ; la corruption et la vénalité de nombreux dirigeants ; l'accaparement de millions d'hectares de terres fertiles par les fonds d'investissement ou les grandes multinationales pour y cultiver huile de palme, canne à sucre ou biocarburants. Et de citer Peter Brabeck, président de Nestlé : « Avec les agrocarburants, nous envoyons dans la pauvreté la plus extrême des centaines de millions d'êtres humains ! »

Prédateurs, vautours, requins-tigres. Le sociologue polémiste ne manque pas de termes forts pour dénoncer l'avidité des sociétés transcontinentales dont les activités échappent à tout contrôle. Il s'appuie sur de nombreux chiffres et statistiques pour dénoncer cette violence structurelle et illustre ses propos par des situations concrètes en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie.

Un mince espoir subsiste, incarné par la résistance quotidienne de ceux qui, dans les régions dévastées, occupent les terres, souvent au prix de leur vie, et opposent le droit à la puissance des trusts agroalimentaires. Destruction massive veut être une arme pour l'insurrection des consciences en Occident, mais aussi un message d'espoir.

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