Christof Betschart o.c.d., Unwiederholbares Gottessiegel Personale Individualität nach Edith Stein, Studia œcumenica friburgensia 58, Bâle, Friedrich Reinhardt Verlag 2013, 370 p.
Il n'est pas dans les habitudes de choisir de publier des recensions d'ouvrages en allemand. Faisons une exception pour cette thèse de doctorat d'un Suisse issu de l'Université de Fribourg, actuellement rattaché à une province française du Carmel. Le sous-titre en explicite le contenu : le problème de la personne humaine dans sa stricte individualité, selon Edith Stein (philosophe allemande d'origine juive, convertie, carmélite, gazée à Auschwitz en août 1941).
La thèse de Christof Betschart n'est pas un travail de pionnier, mais une recherche qui s'appuie sur de nombreux travaux antérieurs, ce qui rend d'autant plus méritoire toute innovation d'interprétation.
L'ouvrage comprend une manière de résumé (pp. 333-351) qui ne dispense pas de lire les autres chapitres mais peut servir de conclusion et, à la rigueur, d'introduction. A la rigueur, car il convient d'avoir à l'esprit une information de base : Edith Stein, phénoménologue, disciple de Husserl, s'est intéressée nécessairement au problème de la conscience, à ce que l'on pourrait appeler l'aspect « psychologique » d'une théorie de la connaissance. Elle s'est donc penchée sur le sujet humain non plus seulement dans la perspective de la conscience qu'il prend de son monde, mais dans le souci de savoir comment un individu se personnalise, devient responsable de lui-même et capable d'assumer des valeurs qui l'orientent.
Au cœur de cette recherche, vient se dessiner le motif d'une problématique particulière : celle d'un état de personnalisation qui, à l'opposé de tout blocage sur une conception égoïste de l'individu, apparaîtra bientôt comme une excellence d'individuation. Que répondre lorsque la question n'est plus : comment une progression vers des valeurs spirituelles contribue-t-elle à un processus de personnalisation ? mais : quelles sont les dimensions initialement spirituelles qui façonnent l'individu personnel ?
C'est en cherchant à répondre à cette question relative à l'anthropologie de Stein que l'auteur innove. On pourrait croire que l'idée de la personne porteuse de qualités proprement individuelles soit chez Stein une conquête théorique tardive, liée à son évolution vers le Carmel. Or il semble que « les principaux développements dans la compréhension de Stein ont lieu dans les premiers stades de sa recherche ». Autrement dit : s'il faut admettre que l'individualité est une qualité constitutive radicale de la personne, elle est ce que Betschart appelle « le sceau irrépétable de Dieu » sur l'âme humaine. Et c'est de cela que Stein aurait eu l'intuition, bien avant sa découverte explicite des valeurs de la religion positive et de la vie mystique.
Cette superbe thèse est donc que, dans la personne, avant toute prise de conscience explicite, une source est active et un noyau fécond. Elle se termine sur de riches considérations, proprement théologiques, portant sur l'analogie entre la conscience humaine et la conscience divine, trinitaire ou christologique.